Rhétorique de la résistance et de la résilience
Dans Le Quatrième mur de Sorj Chalandon
خطاب المقاومة والصمود في الجدار الرابع بقلم سورج تشالاندون
د.فاطمة حمود Dr.Fatmeh Hammoud[i]
Résumé
Notre communication propose la reconstruction de l’éthos discursif idéologique de Sorj Chalandon qui revalorise le rôle de la littérature dans le contexte des conflits de la deuxième moitié du XXe siècle. En inscrivant le mythe d’Antigone revu par Anouilh au cœur de la fiction, Chalandon veut nous montrer que la littérature joue un rôle de premier plan sur l’humanité, car elle agit d’une façon profonde sur les consciences. Ce retour sur les zones de conflit est doublé d’un regard rétrospectif et réflexif sur la résistance et la violence, tout en explorant un choix stratégique susceptible de mener vers une voie de résilience.
Mots-clés : résistance, résilience, pouvoir de la littérature, éthos discursif.
الملخص
تهدف هذه الدراسة إلى بناء الرّوح الخطابيّة الأيديولوجيّة لسورج تشالاندون Sorj Chalandon والتي تسلط الضوء على دور الأدب في سياق صراعات النصف الثاني من القرن العشرين. من خلال عودة شالاندون Chalandon إلى بناء أسطورة أنتيجون Antigone ل جان أنوي Anouilh في روايته “الجدار الرابع”. يريد شالاندون Chalandon أن يوضح لنا أهمية الأدب ودوره الرائد في تشكيل رؤى وقناعات الناس في هذه الرواية. فيعود بالقارئ إلى زمن الاقتتال الداخلي إبان الحرب الأهلية اللبنانيّة، ويعرض علينا سبل الهروب من ويلات الحرب وذلك عبر اللجوء إلى الفن باعتباره السبيل الوحيد للصمود السلمي.
الكلمات المفاتيح: المقاومة، الصمود السلمي، دور الأدب وتأثيره، بناء الرّوح الخطابيّة.
Introduction
L’idée d’une littérature possédant une vertu libératrice pouvant agir sur les consciences, est actuellement incessamment déconsidérée par l’omniprésence des médias, le basculement idéologique et par la régression culturelle. Nombreux sont ceux qui taxent aujourd’hui la crise du sens, la fin des idéologies, la mort de la littérature, et la perte de la foi en l’avenir.
Ce moment si critique que nous traversons ne devrait-il pas nous pousser à repenser notre être au monde, à reconstruire notre humanité en revenant aux origines, aux valeurs, à la littérature, à la culture, tel que nous le montre Sorj Chalandon dans son roman Le Quatrième Mur ?
Reporter de guerre, Sorj Chalandon se positionne explicitement en faveur de la littérature en la replaçant dans le contexte foisonnant des problèmes politico-stratégiques des années 1970 à travers l’actualisation de trois conflits d’une grande violence, en Grèce pendant la dictature, en France lors de la guerre froide après la Seconde Guerre mondiale, et ceux de la guerre civile qui a déchiré le Liban à partir de 1975. En inscrivant le mythe d’Antigone revu par Anouilh au cœur de la fiction, Chalandon veut nous montrer que la littérature joue un rôle de premier plan sur l’humanité, car elle agit d’une façon profonde sur les consciences. Ce retour sur les zones de conflit est doublé d’un regard rétrospectif et réflexif sur la résistance et la violence, tout en explorant un choix stratégique susceptible de mener vers une voie de résilience.
Notre communication propose la reconstruction de l’éthos discursif du romancier, du point de vue de son positionnement idéologique dans un champ conflictuel de valeurs à travers l’analyse des stratégies de persuasion mises en œuvre pour faire prévaloir le rôle de la littérature.
La perspective de recherche adoptée est celle d’une pragmatique narrative qui consiste à articuler l’analyse interactionnelle telle qu’elle est développée par Maingueneau et Charaudeau à la théorie de la sémiotique narrative telle qu’elle est envisagée par le groupe d’Entrevernes.
Sans nous attacher à l’ensemble des outils de pragmatique narrative, nous nous focaliserons surtout sur les schèmes d’ordre narratifs et argumentatifs auxquels le romancier a recours, plus précisément l’argumentation par le recours à l’intertextualité, l’argumentation par la fable, et l’argumentation par la mise en valeur du pathos, convoqués pour expliciter l’éthos auctorial discursif : résilience et résistance étant conçues non pas comme des concepts, mais comme des espaces de positionnement entre des agents qui luttent pour imposer leur propre conception de régulation des conflits. Autour de cette dichotomie entre résilience et résistance gravitent deux constellations antinomiques : celles du sens pluriel, du désir de vivre ensemble malgré les appartenances multiples, de la réhabilitation du rôle du savoir comme vecteur de paix, opposées à celles du non-sens, de l’absence du logos qui systématise le rapport au monde, de l’attirance irrationnelle de certains combattants pour la violence de la guerre.
Notre microlecture du texte nous permettra ainsi de mieux en déchiffrer le sens pour en dégager les enjeux. Si le roman ramène à la surface tout un passé ténébreux dans l’histoire de l’humanité, s’il s’astreint à dire la violence, c’est pour modifier les rapports de places existants, c’est pour opérer un changement positif et radical au fil du temps.
- Argumentation par le recours à l’intertextualité
Revisiter les grands textes littéraires n’est jamais anodin et s’inscrit souvent dans une véritable stratégie argumentative. Tout texte littéraire fait partie en effet selon Maingueneau « des discours qui sont censés avoir la plus grande autorité. […] Zones de parole parmi d’autres et paroles qui se prétendent en surplomb de toute autre » (Maingueneau & Cossutta, 1995 : 112-125.).
Dans cette optique, le fait de citer un discours littéraire correspond à un argument d’autorité qui renvoie à un savoir partagé, un bagage culturel reconnu par une collectivité sociale susceptible de renforcer le point de vue de l’auteur, tout comme il participe à la construction d’une image valorisante de soi-même.
Dans une dimension interactive, citer un discours littéraire correspond à un acte premier positif susceptible de déclencher une réponse positive due à une réactivation de la part d’un lecteur averti des archétypes mythiques et littéraires enfouis dans l’inconscient collectif. Le discours littéraire serait dans ce sens envisagé dans sa dimension performative, c’est-à-dire comme vecteur qui invoque des valeurs universelles inhérentes à toute vie citoyenne à savoir le Vrai, la Justice, la Liberté, la Solidarité, l’Honnêteté. D’où sa grande force persuasive.
Dans le roman, l’intertextualité est facilement repérable puisque l’auteur cite assez fidèlement ses sources. Aussi, se trouvent-ils cités : Ubu roi de Jarry, le théâtre de Rebekito, Candide de Voltaire, Une demande au mariage de Tchekhov, le théâtre de Beaumarchais, Brecht, Gogol le romancier russe, Michel Sardou le chanteur engagé salué par les syndicats et le parti communiste, Tintin, le requiem de Maurice Duruflé, la poésie de Mahmoud Darwich, la poésie de Victor Hugo, l’Electre de Giraudoux, Lysistrata d’Aristophane, Élie Knaan, le peintre libanais et la liste n’en finit pas.
Notre travail consiste à analyser les extraits tirés des œuvres d’art à la fois uniques et universelles et qui révèlent l’éthos du romancier désireux de faire de la littérature un bien commun, un vecteur important du vivre ensemble.
- La citation d’Antigone d’Anouilh
Nous pouvons commencer par la citation d’Antigone, toile de fond, sur laquelle se tisse l’intrigue du roman. En termes d’argumentation, citer Antigone est une des stratégies argumentatives à laquelle le romancier a recours pour faire prévaloir l’altérité. En effet, Antigone constitue un savoir culturel partagé, un argument de valeur révélateur de la puissance de l’art capable d’unir les camps adverses, applaudi à la fois par l’ami et l’ennemi.
Pour justifier ce positionnement favorable à l’art, Chalandon mobilise tout un mouvement concessif qui place les objections du camp adverse hors de la discussion : résister par l’art est-il utopique, voire absurde ? Que peut faire la fiction alors qu’une ville se déchire, que les habitants dans chaque camp subissent les souffrances morales et matérielles ? N’est-ce pas vain ? N’y a-t-il pas d’autres urgences prioritaires ?
Or, ces questions qui mettent en doute le pouvoir de l’art sont évincées par une argumentation qui fait appel aux faits. Le premier fait est d’ordre historique, Chalandon fait appel à la mémoire historique des lecteurs, faisant resurgir un passé culturel partagé, soustrait à la contestation : c’est une pièce écrite lorsque la France connaît la défaite face aux armées nazies et tombe sous l’Occupation. Anouilh s’inspire du geste de Paul Colette, un résistant français qui avait tiré sur Pierre Laval, chef du gouvernement de Vichy, le 27 août 1941 pour remodeler le personnage d’Antigone présenté dans sa pièce comme allégorie de la résistance, de l’opposition, de la désobéissance à des lois iniques, mais aussi pour recréer le personnage de Créon présenté comme allégorie du pouvoir. Ce contexte politique dans lequel Anouilh a décidé de jouer Antigone fait de cette pièce une œuvre emblématique de la Résistance. La première représentation a lieu au théâtre de l’Atelier à Paris le 4 février 1944, durant l’occupation allemande.
Au dire de Chalandon, la particularité d’Antigone d’Anouilh tient à ce qu’elle trouble les notions de bon camp et de mauvais camp et peut parler à tous à toute époque. C’est un texte polysémique, susceptible de recevoir plusieurs interprétations différentes, aussi éloignées les unes des autres. Du point de vue du personnage d’Antigone, la pièce incarne la résistance face à l’oppression. Du point de vue de Créon, la pièce incarne le devoir de respecter l’ordre pour préserver la société. Cette divergence de point de vue s’est produite à la première représentation de la pièce, pendant la Seconde Guerre mondiale, quand les nazis et la résistance avaient chacun applaudi la pièce : chaque parti a interprété la pièce selon ses valeurs politiques et sa morale.
Samuel Akounis se situe dans cette lignée lorsqu’il tente de mettre en scène Antigone à deux reprises « Samuel aime ce texte parce qu’il a été écrit aux heures les plus noires de notre histoire, lorsque tout était perdu » (Chalandon 2013 : 167). Comme Antigone a été saluée par les deux camps ennemis, elle pourrait être saluée aussi à toute époque et à tous lieux. Sam a représenté cette pièce la première fois en Grèce, pour s’opposer à la dictature des généraux. Transposée dans un Liban multiconfessionnel déchiré, la pièce peut être jouée une deuxième fois pour s’opposer à la guerre civile.
Le deuxième fait est donc d’ordre narratif en corrélation étroite avec les faits historiques : Sam se lance dans la mise en scène d’Antigone pour inciter les acteurs à être résilients, pour leur apprendre la valeur de l’art comme arme de résistance, comme l’une des stratégies de survie et de transformation qui permet de faire renaître l’espoir malgré les tensions et les menaces qui pèsent sur eux.
Mais alors qu’il entreprend la mise en œuvre de son projet, Sam tombe malade. Il demande à Georges de le remplacer pour pouvoir réaliser son rêve. George se retrouve alors au Liban, se rend tout à tour auprès d’un combattant palestinien puis d’un milicien chrétien pour défendre le projet de faire jouer la pièce par des membres de différentes communautés politiques et religieuses qui ont pris les armes. Cette visée persuasive est doublée d’une mobilisation du pathétique : il s’agit d’un devoir moral, celui de répondre à l’appel d’un mourant : « Je délivrais un message qui n’était pas le mien. Je défendais un projet que je n’avais pas initié, mais j’exécutais les dernières volontés d’un mourant. Et pour lui, cet homme, cet ami, ce frère, j’étais prêt à prendre tous les risques » (Chalandon, 2013 : 136).
Le projet d’Antigone a un objectif performatif auprès des acteurs libanais : il vise à jeter le doute sur leur préjugé, à remettre en cause leur représentation du monde et à leur faire percevoir le côté humain de l’homme. Plus concrètement, à travers le projet d’Antigone, Georges veut montrer à ses acteurs que le théâtre peut permettre de se rencontrer, de communiquer, de dépasser les hostilités, de se partager de belles émotions, malgré leurs divergences, du moins le temps de la pièce.
Dans une perspective interactionniste, l’acte de communication que Georges cherche à instaurer entre les différents acteurs à travers le projet d’Antigone, est celui du mouvement-vers, considéré comme stratégie de réparation censée créer immédiatement un rapprochement socioaffectif. Cette finalité est clairement signalée dans le roman :
– En arrivant ici, nous avons enlevé nos brassards. Je propose d’oublier aussi nos religions, nos noms, notre camp.
Nous sommes des acteurs, dit Madeleine, la Chrétienne. Je suis la Nourrice, continue-t-elle. Je m’occupe d’Ismène et d’Antigone depuis qu’elles sont enfants. Je les aime autant l’une que l’autre. C’est tout.
Ismène a applaudi la première, puis Antigone.
– Je suis Ismène, a commencé l’Arménienne à sa suite. Je suis jolie, futile, je n’ai ni le courage de ma sœur, ni la force, ni la foi. Et j’aime la vie.
Applaudissements de tous les autres. […]
– Je suis Hémon. Et je ne suis pas Druze, a souri Nakad. […] Je suis donc le fils de Créon et j’aime Antigone. Nous allons nous marier bientôt. Je suis prêt à mourir pour elle. D’ailleurs, je vais mourir pour elle (Chalandon, 2013, p. 192-193).
Les personnages acceptent tour à tour non seulement le pacte du jeu théâtral proposé par Georges, mais aussi l’objectif voulu de ce jeu. À la requête d’oublier leur religion, les acteurs répondent par le désir de vivre sur scène la réalité de leur personnage. Nakad finit même par renier sa confession « je ne suis pas Druze ». Cette transfiguration des personnages culmine dans l’extrait qui décrit Imane et Charbel comme deux amoureux qui ont oublié leur appartenance à des camps ennemis :
Elle a hésité un instant. Lui aussi. Ils se sont regardés. Se sont avancés l’un vers l’autre. Ils auraient pu s’étreindre, je crois, s’ils avaient été seuls. Mais j’étais le regard de trop. Je n’avais jamais remarqué quel beau couple ils faisaient. Ce n’était plus Antigone et Créon, mais une fille, un garçon, deux gamins de notre temps. Ils ne se sont pas embrassés. Ils auraient pu, ils auraient dû. Longtemps, j’en ai été malheureux pour elle, pour lui et pour moi (Chalandon, 2013 : 229).
Malgré leur différence, Imane et Charbel ont montré leur capacité à transcender les exigences confessionnelles imposées par leur communauté, et à développer leur potentiel empathique pour se hisser à la condition des personnages qu’ils incarnent.
On voit bien que le romancier va à l’encontre de l’identité figée pour appeler à un message de paix universelle, au-delà des frontières et des différences. En termes d’éthos, par de tels appels au dialogue, à la communication, Chalandon vise à construire de lui-même l’image de l’écrivain engagé qui met son art au service de l’humanité, en le présentant comme solution susceptible de favoriser la rencontre des hommes des camps opposés au sein des combats militaires.
- La citation D’Ubu roi d’Alfred Jarry
Chalandon attribue à l’art non seulement le pouvoir de sensibilisation à l’humain, mais le considère aussi comme un détenteur de pouvoir pacifiste auquel tout opprimé peut avoir recours pour attaquer l’agresseur rien qu’à travers le verbe. Cette fonction de l’art pourrait être décelée par le recours à l’intertexte modifié qui ne peut plus dès lors être envisagé comme simple moyen de distraction puisqu’il devient problématisé à partir du moment où il oblige le lecteur à s’interroger sur les causes et les conséquences de cette modification du texte source. En témoigne l’extrait ci-dessus qui raconte la torture subie par Sam pour s’être opposé au régime de Papadopoulos en montant Ubu Roi, la pièce d’Alfred Jarry, mais en remplaçant le nom du roi par Gregorio :
Et puis l’acteur s’est levé, face à la foule. Il a pris la pose, sautant d’une place à l’autre, imitant tour à tour les personnages principaux. Malgré la pantomime, aucun rire dans la salle. Les visages étaient tendus.
Père Ubu
Merdre !
Mère UBU
Oh ! voilà du joli, Georgios, c’est un autre qu’il faudrait assassiner !
L’acteur s’est tu, poignard imaginaire levé, avant de s’asseoir.
Vous l’avez compris, Samuel Akounis avait demandé à ses acteurs de remplacer père Ubu pas Georgios, prénom du chef militaire de la junte.
L’acteur s’est tourné vers le Grec.
Parmi les spectateurs, il y avait un mouchard. Ou quelqu’un qui n’avait pas supporté l’offense faite à Jarry. Deux jours plus tard, notre ami ici présent était arrêté et interrogé par l’Asphalia, dans les locaux de la sûreté. Il a eu les ongles arrachés, le torse brûlé aux cigarettes, les plantes de pied lacérées par des tuyaux de plomb. Et ses tortionnaires l’ont étouffé au gaz, un aérosol au chlore enfoncé dans la bouche.
Il s’est tu, a observé son effet comme un avocat capture les jurés. Ce n’était pas de l’asthme.
-Il n’a jamais été jugé ou emprisonné, mais déporté au camp D’Oropos pendant un an et avec des centaines d’autres, dont Mikis Theodorakis (Chalandon, 2013 : 28).
Au-delà d’une simple représentation théâtrale, la citation de Jarry établit un processus de communication de type attaque-riposte. Par le détour de la parole théâtrale, Sam enfreint le caractère institutionnel et ritualisé de la représentation théâtrale pour critiquer le roi Gregorio. Dès lors, le langage n’est plus conçu comme une activité ludique, mais plutôt comme un faire-transformateur doté d’une fonction pragmatique visant à modifier une situation. Cet implicite est saisi par l’un des spectateurs qui stigmatise le changement effectué sur le texte original et l’interprète comme une offense. La conséquence en est un conflit entre un personnage qui communique avec l’espace public à travers des espaces de représentation et un personnage qui démasque ce faux-semblant de jeu théâtral. Le châtiment infligé à Sam révèle le pouvoir de l’art. Sam réussit par le jeu théâtral à ébranler fortement l’auditoire en déclarant ouvertement, mais pacifiquement son animosité contre la dictature exercée par Georgios.
L’extrait analysé met en exergue une fois de plus l’éthos du romancier qui montre l’efficacité de la voix de l’art théâtral, dotée d’une force illocutoire et perlocutoire puisqu’elle incite le lecteur à réagir conformément aux caractéristiques de cette force. En cela, l’art est lui-même action puisqu’il fait ou fait faire en agissant à la fois sur le logos et sur la phusis.
1.3. La citation de Une demande en mariage de Tchekhov
Un troisième exemple qui mérite d’être analysé, est celui de la pièce Une demande en mariage de Tchekhov jouée plusieurs fois dans le roman pour des objectifs divers. Nous retenons dans notre analyse ces deux passages.
Le premier passage raconte la décision de Georges et de Sam de jouer Une demande en mariage à des travailleurs en grève. Or, le jour de la représentation, la réalisation du projet bute contre le refus des CRS (acronyme de compagnies républicaines de sécurité) qui demandent aux acteurs de rebrousser chemin. Georges tombe sur le trottoir brusquement simulant une mort subite. Sam et Aurore déclament le texte de Tchekhov :
Alors Sam a compris. Il a regardé les policiers, les briseurs de grève. Il a examiné la grille au cadenas brisé. Il a observé ce public jaune et bleu, muet et effaré. Il a longé le ciel, les bâtiments vaincus. Il a pris son masque de tragédie. Son regard tombé, sa bouche, ses rides profondes son front de plâtre usé. Il s’est penché sur moi, bras levés vers les dieux.
TCHOUBOUKOV
Oh !…Qu’y a-t-il ? Que veux-tu ?
NATALIA STEPANOVA
(Gémissant, mains sur son ventre).
Il est mort.
TCHOUBOKOV
Qui est mort ? (M’ayant regardé.) Il est vraiment mort !
Seigneur, Seigneur ! De l’eau ! Un docteur !
(De son sac, Sam a sorti un verre vide. L’a approché de ma bouche.)
TCHOUBOKOV
Buvez… Non, il ne boit pas… C’est donc qu’il est mort, et autres choses pareilles ! Je suis le plus malheureux des hommes !
Et puis nous nous sommes figés. Une longue minute. Moi, sans vie. Sam sans un geste. Aurore sans plus un cri.
Lorsque nous nous sommes relevés, le silence était total.
Moi d’abord, mort revenu à nous. Puis Sam, penché sur mon agonie. Et Aurore, enfin, qui avait gardé la tête entre ses mains, bouche ouverte et les yeux levés vers novembre.
Nous avons quitté le trottoir comme on sort des scènes. Mais sans attendre rien.
- Il m’a fait peur, ce con ! a lâché un flic.
Nous avons pris ce mot pour un vivat (Chalandon, 2013, p. 50).
L’analyse de l’extrait ci-dessous met en exergue deux autres fonctions de l’art. La première est ludique, fonction clairement explicitée par Georges dans le texte romanesque « Faire sourire le prolétariat était une bagarre comme une autre. […] Jouer Tchekhov pour ces ouvriers, c’était distraire des résistants » (Chalandon, 2013, p.48). Cette fonction relève de l’ordre fictionnel : le spectateur oublie la réalité, et sait que ce qu’il voit est une pure fiction. Au-delà de l’objectif annoncé, la représentation théâtrale est conçue comme un signe de collaboration, un moyen qui permet aux acteurs de se positionner tout clairement avec le prolétariat et d’afficher, du même coup, une prise de position défavorable vis-à-vis des CRS.
La deuxième fonction de l’art est sollicitée lorsque les personnages décident de jouer la représentation devant les CRS malgré l’opposition de ces derniers. Or, ce changement de spectateurs est doublé d’une modification de l’objectif. Comme le pacte fictionnel est brisé, les nouveaux spectateurs (les CRS) ne sont pas prévenus pour s’embarquer dans la fiction. C’est pourquoi les acteurs parviennent à faire peur à la police, réaction due à l’intrusion du jeu dans la réalité. Cette fois, l’enjeu voulu de la représentation théâtrale consiste à attaquer, à provoquer tout en préservant leur face, c’est-à-dire sans prendre en charge la responsabilité du dit théâtral qui a toujours le statut d’un jeu. Par le détour du théâtre, les acteurs mettent à l’épreuve le pouvoir des CRS, déstabilisent leur autorité par le manque de respect du statut institutionnel qui détermine leur position tout en s’échappant à la sanction puisque les codes du jeu théâtral permettent de dire ce qu’on ne dit pas d’habitude. La victoire des acteurs « Il m’a fait peur, ce con ! a lâché un flic. Nous avons pris ce mot pour un vivat » réside dans ce jeu théâtral qui permet de dire ce qu’on fait semblant de ne pas dire en dépit de l’interdit imposé par les forces au pouvoir.
Une autre scène de la même pièce est jouée une deuxième fois dans le roman lorsque Natalia défend « ses petits-près aux bœufs ». Cette fois, c’est Georges qui cherche à mettre en avant une autre fonction qu’on pourrait attribuer à l’art à travers les instructions scéniques qu’il donne à l’actrice Aurore :
- « L’injustice me révolte ! » c’est Nathalia qui le dit. Alors quand tu insultes Lomov en traitant sa tante de « cancanière », je veux que ton corps entier hurle le dégoût. Dégueule ces mots, Aurore ! c’est une gifle que tu donnes. Je ne l’ai pas vue, cette gifle. Et lui ne l’as pas sentie ! je te veux hors de toi, tu entends ?
Elle entendait.
- C’est la fierté de Nathalia que tu défends ! Les Petits-Près-aux-Bœufs, c’est son terrain, l’honneur de sa famille, de son sang, de sa race, comme dit Tchekhov ! Lomov veut s’en emparer ? tu résistes ! on meurt pour sa terre, Aurore ! Nathalia est prête à tuer pour la sienne. Je voulais mettre en scène la colère. La vraie (Chalandon, 2013, p.46).
Georges appelle Aurore à faire ressentir et percevoir toute la colère de celui qui est menacé dans son propre territoire. Or, simuler la colère d’un agressé par un usurpateur, jouer le rôle de la révoltée contre l’injustice, c’est réussir à susciter chez le spectateur un sentiment semblable. Que ce soit le discours récité d’Aurore ou le métadiscours critique de Georges, tous deux cherchent à faire prévaloir les valeurs de la justice, de la résistance, de la défense du territoire, le premier par le biais du récit dramatique, le deuxième par le biais d’un métalangage scénique qui fait percevoir en creux, dans l’intertexte, les enjeux idéologiques voulus par Chalandon : le roman est un appel à la défense de son territoire non point par les combats armés auxquels le combattant participe sans vraiment comprendre les enjeux de la lutte, mais par la pratique de l’art. Jouer le théâtre militant se veut une action restauratrice et salvatrice à la fois pour le combattant parce qu’il s’engage à s’investir consciemment dans un conflit qu’il a bien compris, et pour la société grâce à l’éveil des consciences que le théâtre veut et peut mobiliser. L’art devient une défense de l’esprit critique comme faculté de l’homme capable d’agir par sa raison en même temps qu’une forme de résistance à l’oppression.
1.4. La citation de « Sajel ana arabi » de Mahmoud Darwich
Nous analysons enfin la citation de Mahmoud Darwich, reconnu internationalement comme une voix de la résistance palestinienne grâce à son recueil Rameaux d’olivier. Darwich incarne l’exemple type des artistes combattants qui ont utilisé leur mot comme une arme existentielle dans la guerre pour défendre la cause de l’homme bafoué dans ses valeurs et condamner les crimes commis par l’usurpateur.
Le poème Carte d’identité : Inscris je suis arabe, en langue arabe « Bitaqat huwiyya : Sajel ana arabi », le plus célèbre du recueil, dépasse rapidement les frontières palestiniennes pour devenir un hymne chanté, un slogan pour les manifestants du monde arabe. Le poème est une réaffirmation de l’identité arabe niée par l’usurpateur, un défi lancé par un paysan sans renommée, fier de sa terre, de ses ancêtres, de son histoire, de sa langue qui n’a que ses mots pour combattre et résister face à un ennemi aristocratique, riche, bien équipé.
Dans le roman de Chalandon, c’est Imane la Palestinienne, qui récite ce poème à plusieurs reprises et le fait apprendre aux enfants palestiniens. Le poème n’est pas évoqué en entier, juste ce passage qui révèle l’image sublimée et éthérée du combat palestinien :
- Inscris ! en tête du premier feuillet. Que je n’ai pas….
La fillette ne se souvenait plus.
- Pas de haine pour les hommes, a soufflé Imane en arabe.
La gamine jetait des sourires désolés à l’assistance. Elle cherchait sa mère, Imane, des mots à son secours.
–pas de haine pour les hommes, a répété Imane.
– pas de haine pour…, a bredouillé la petite.
L’institutrice s’est levée. Son élève lui a tendu les bras. Huit ans, peut-être, prête à se réfugier. Imane s’est assise avec elle dans les gravats.
- Que je n’assaille personne, a récité la Palestinienne.
Elle a glissé deux mots à l’oreille de l’enfant.
- Mais si j’ai faim, je mange la chair de mon usurpateur, a répété l’écolière.
Imane s’est levée, jetant les bras au ciel. Tous les enfants se sont dressés, poings sur les hanches.
-Gare ! Gare !
Puis ils se sont regroupés autour de leur maîtresse.
- Gare à ma fureur ! a hurlé Antigone. Avant de saluer (Chalandon, 2013, p.138- 139.).
Dans ce passage du poème, l’injonction « inscris » est suivie d’une série de négations qui représentent le Palestinien comme celui qui sait mettre en œuvre une culture de la paix « pas de haine pour les hommes », « que je n’assaille personne ». La subordonnée de condition « Mais si j’ai faim, je mange la chair de mon usurpateur » est une requête implicite adressée à l’usurpateur pour imaginer les conséquences qui pourraient résulter de son agression. Ce ton menaçant culmine avec l’interjection reprise deux fois « gare » : le langage poétique devient ici une arme de guerre destinée à justifier et à légitimer la réaction du palestinien qui a le droit de se défendre au cas où il est agressé.
À son tour, Imane incarne la figure de la résiliente qui inculque aux enfants palestiniens, par le biais de la littérature, les valeurs de la résistance, de la défense légitime. L’art acquiert ici une nouvelle fonction : celle d’une initiation à la révolte, celle d’une sensibilisation à la nécessité de la résistance qui n’est plus seulement un droit, mais une obligation existentielle pour lutter contre l’occupation illégitime de l’usurpateur.
Pour récapituler, l’analyse de ces extraits nous a permis de montrer l’importance de l’intertextualité dans la construction de l’éthos auctorial.
En citant autrui, le romancier montre que d’autres ont pensé comme lui, ce qui situe la parole argumentative dans une perspective dialogique et contribue par là à créer une image favorable de l’auteur devenu un je pluriel qui renferme une multiplicité de voix disant la même chose que lui : l’art peut être un acte de résistance, une réponse efficace à la barbarie, raison nouvelle pour croire à l’importance de la littérature dans la construction d’une société harmonieuse.
Revisiter le passé littéraire et le réapproprier, c’est aussi réaffirmer la nécessité de la littérature dans la société d’aujourd’hui notamment dans la régulation des conflits sociopolitiques. Si l’intertexte de Chalandon regroupe des auteurs d’origine diverse, s’il participe d’un mouvement qui transcende et abolit les frontières géographiques entre auteurs de nationalités et de langues différentes, c’est pour mettre en avant un non-dit idéologique, celui du désir de faire prévaloir l’art comme vecteur de paix, comme condition nécessaire au rétablissement du dialogue entre les camps adverses menant vers les voies de la résilience.
II- Argumentation par le recours au récit
Parmi les stratégies de persuasion auxquelles le romancier a recours, nous nous attardons dans cette sous-partie sur le déploiement narratif des faits agencés selon une relation de cause à effet, orientés de façon à ce que le lecteur puisse saisir les visées pragmatiques et idéologiques de l’auteur, mises en œuvre dans la matérialité narrative discursive. Et comme les personnages sont des représentations fictives de l’auteur, cela revient à examiner la part du romancier projetée dans son œuvre. Dans une interview accordée à France 24, Sorj Chalandon avoue :
J’ai prêté à Georges ça à quoi j’ai renoncé parce qu’à un certain moment, la guerre était en train de me dévorer, me dévorer comme un animal pacifique, la paix était en train de m’ennuyer, donc j’ai arrêté, je suis rentré en paix. Georges ce que je lui demande, moi, ce que j’ai fait de lui, c’est moi au plus loin, je l’ai envoyé là où je me suis arrêté (Mévégué 2013. [Consulté le 2 septembre 2019]).
Dans le cadre de cet article, nous nous contentons de reconstruire le parcours narratif suivi par les personnages principaux Georges et Sam qui incarnent successivement la figure du résistant et celle du résilient en prenant appui sur les notions de la sémiotique narrative telles qu’elles sont définies par le groupe d’Entrevernes.
- Le parcours de Sam
Commençons par Sam. L’éthos du romancier se manifeste à travers le choix d’héroïser Sam incitant le lecteur à s’identifier à un juif, figure qui n’est pas toujours bien accueillie par tout le monde. Un juif a une certaine représentation collective susceptible de produire une réaction de rejet. Chalandon réussit à changer cette représentation en faisant de son personnage une figure emblématique de la résilience et de l’identité multiculturelle.
Cette héroïsation se manifeste d’abord à travers son portrait physique « Sam était grand, cabossé et musclé (Chalandon, 2013 :18)». Il n’a jamais laissé pousser ni sa barbe ni ses cheveux parce qu’« à Salonique, les nazis taillaient la barbe des juifs. Ils le faisaient en pleine rue, pour les humilier. Ils obligeaient les fils à balayer le trottoir avec leurs casquettes, et coupaient la barbe de leurs pères (p.93)». Le parcours narratif suivi par le personnage complète ce portrait en l’élevant au rang des héros : la vie de Sam est marquée par les drames. Ses parents sont exterminés en Pologne. Il est exilé en France, où il est accueilli en héros pour s’être opposé au régime autoritaire des colonels.
Le discours d’héroïsation est également mis en évidence à travers la représentation de Sam comme réparateur du désordre social ou comme un grand sauveur porteur de valeurs symboliques qu’il essaie de communiquer partout où il y a la guerre. En tant que metteur en scène, Sam est parvenu à cicatriser ses blessures dues aux tortures qu’il a subies pour rebondir à nouveau et continuer son combat par le biais du théâtre.
Sam est aussi le sujet doté de la modalité de vouloir et celle de savoir. Son discours est principalement fait de sentences : « il disait que la vie, c’était ça aussi, un homme sur un vélo qui bouffe des kilomètres en hurlant de douleur. Il disait que le sport, c’était une autre façon de résister » (p.34) et plus tard il dit en accueillant Georges blessé que « la violence est une faiblesse » (p. 67). C’est le sujet actant qui cherche à faire passer Georges de l’état du résistant à celui du résilient non par un faire persuasif, mais par la mise en place d’un programme narratif de manipulation de type faire faire. Cela correspond pour lui à préparer Georges en lui inculquant les valeurs modales du devoir-faire et de vouloir faire. Sam apprend peu à peu à Georges la résilience, le vrai engagement et réussit un premier faire-transformateur en faisant passer l’actant-sujet Georges du résistant au résilient. À un moment donné, tout comme Sam, le théâtre devient pour Georges son « lieu de résistance, son arme de dénonciation » (p.47). Au mariage de Georges, Sam lui apprend que la République, « c’est le respect des différences. Il lui rappelle qu’ils ne sont pas des résistants, que Giscard n’est pas Pétain et que les jeunes étudiants d’Assas contre lesquels il s’est battu, les rats noirs, ne sont pas des nazis, juste des racistes dangereux. » (p. 77) et que « leur colère n’est qu’un slogan » (p. 18). Ce premier faire-transformateur permet à Georges de passer progressivement à la performance : remplacer Sam pour réaliser le projet de celui-ci.
Ce parcours narratif suivi par Sam met en évidence l’éthos consensuel du romancier qui choisit de couronner le parcours de Sam par la victoire. Malgré sa maladie, Sam est pérennisé par son projet qui se poursuit même sans sa présence. Il réussit aussi son deuxième faire transformateur : Sam parvient à donner aux adversaires une chance de se parler, de discuter le sens d’Antigone en faisant taire les armes pour un moment donné. Cette heure de paix représente une victoire sur la haine et sur la mort, le théâtre étant « une forme de répit » (p. 139), comme le dit l’un des personnages du roman.
2.2. Le parcours de Georges
Au parcours de Sam s’oppose le parcours de Georges, même si leurs parcours s’enchevêtrent à un moment donné. Georges est l’un de nombreux étudiants qui voulaient changer le monde et pensaient que l’engagement politique était une voie possible sur le chemin de la transformation de la société. Militant activiste propalestinien, et metteur en scène, Georges croit que la violence est l’arme efficace pour lutter contre l’injustice « j’étais entré en violence pour défendre l’humanité » (p. 73). Il justifie le recours à la violence et le refus de l’ordre établi au nom de valeurs supérieures, celles de justice et de paix. Or, ce combat violent sera remplacé grâce à Sam par une lutte résiliente. Georges se retrouve rapidement au Liban, mobilise tous les moyens possibles pour pouvoir réaliser le projet de Sam : il rencontre tous les chefs, patriarches, leaders divers et variés pour obtenir leur autorisation de jouer la pièce, puis exerce son faire persuasif pour amener les acteurs des différents partis politiques à son propre camp. Il les incite à suivre l’exemple de Sam. Ce faire injonctif a la valeur d’une exhortation poussant les acteurs à émettre un jugement favorable vis-à-vis du projet. La balance commence donc à pencher du côté de Georges. Sa compétence est assurée ; il ne lui reste qu’à passer à l’action performante et à jouer la pièce d’Antigone au Liban en pleine guerre.
Conduit dans Beyrouth par le Druze Marwan, Georges découvre la complexité de la vie politique au Liban. Ses contacts prolongés avec la violence de la guerre le poussent à s’enliser dans le quotidien des conflits libanais, à ne plus rester spectateur des événements « J’étais à Beyrouth. Au profond de la guerre. C’était à la fois terrible et vertigineux. Je n’étais pas là pour ça. Ce n’était pas le mandat que Sam m’avait confié. Le pistolet d’un Druze, le fusil d’un chrétien. Je fréquentais le métal, pas le cœur humain » (p. 159).
Marwan fait figure de l’anti-sujet opposé à la réalisation de la performance de Georges. À plusieurs reprises, il met en danger les valeurs dont Georges est porteur et s’oppose au projet en lui montrant la vanité de ses efforts :
Marwan a répété que j’étais fou. […] Je ne comprenais rien à la situation. Le pays était à terre et moi je venais de Paris en manteau d’Arlequin. Il a dit que la paix ne se faisait pas avec le visage poudré de clown. À l’heure où le pays comptait ses morts, dix gamins sur la scène d’un théâtre délabré n’avaient plus aucun sens (p.256).
Plus loin, il décrédibilise la confiance que Georges accorde à ses acteurs en faisant tomber les masques qui cachent leur vraie réalité : « Tes acteurs ne sont pas des acteurs, ce sont des soldats. Toi tu ne le sais pas, mais la guerre s’en souvient » (p.258).
Lors de l’assassinat de son fils Nakad, Marwan incite Georges à prendre sa part dans la guerre. Du résilient qu’il était, Georges entre dans la tragédie de la barbarie humaine, devient combattant et participe au meurtre du frère de Charbel pour venger Nakad. Par ce revirement dans l’action, Georges se trouve en disjonction avec deux objets de valeur. L’un est d’ordre relationnel : Georges n’arrive plus à vivre auprès de sa famille. L’autre est d’ordre personnel : Georges nourrit de plus en plus une violence intérieure incontrôlable. Il n’a plus le choix donc que, soit de se soumettre au programme narratif de la guerre, devenue elle-même actant, soit de quitter les lieux, de sortir du quatrième mur qui sépare les vivants des non-vivants :
La guerre avait rendu ma femme comme veuve. Elle avait fait de notre fille la moitié d’une enfant. Et maintenant elle me réclamait. Elle m’exigeait pour elle, la guerre. Elle n’avait pas peur de mes coups, ni même de mon regard. C’était la seule qui avait faim de moi (p.301).
À travers ce parcours de Georges se filtre en filigrane l’éthos du romancier qui se positionne contre la résistance violente de l’individu sans allié. Georges est un héros déchu, qui passe de l’homme jeune, père de famille, qui a envie de changer le monde à un homme bouleversé par les horreurs de ce monde. C’est le triomphe du tragique dont l’issue est la fatalité inéluctable, la mort de tous les personnages.
Ce positionnement contre la lutte armée transparaît également à travers la description du syndrome de stress post-traumatique qui touche les personnes confrontées à des situations de guerre. Trop impressionné par les spectacles qu’il a vus, Georges reste prisonnier de ce monde de violence, perd les repères de la normalité, refuse tout contact avec la main de sa fille et le corps de sa femme : « Mon corps se dérobait lorsqu’elle avançait la main vers ma peau » (p. 283). Le grand désarroi du personnage culmine dans son comportement obsessionnel et sa perte de motivation :
Je ne m’intéressais plus à la vie. La veille, ma fille m’avait tendu un dessin, son premier bonhomme, avec de longues jambes et des yeux gros comme sa tête. J’ai griffonné derrière en écoutant la guerre à la radio. Nous n’avions plus un repas de famille. Je ne mangeais que du pain et du riz. Je ne changeais pas de pantalon, de chemise. Je ne parlais plus. Je cognais du poing sur la table en écoutant les informations. Je découpais les articles de journaux, je les soulignais entièrement, ligne après ligne. J’entourais des phrases (p. 283-284).
La guerre s’empare peu à peu du personnage sans qu’il puisse partager avec sa famille la violence qu’il a vécue et ressentie, ce qui le place dans une situation d’incompris.
Le positionnement du romancier transparaît enfin à travers la mort de Georges, emblématique d’un fort désir de reconstruire une identité interculturelle qui concilie les différentes confessions. Chalandon refuse de décrire la mort de Georges, « la mort l’a pris comme ça » : il ne nous donnera aucun autre détail à l’exception des objets qu’il porte, preuves de sa quête de l’altérité et de la reconnaissance de l’autre : « une kippa sur la tête et une clef dans la main (p.326)». La clé de Jaffa renvoie à la terre palestinienne, la kippa de Sam est une allusion à la religion juive.
C’est aussi une image du projet initial qui se joue dans le roman : en portant ses objets rattachés aux différentes confessions, Georges réalise les différents rôles qui devraient être pris en charge par des comédiens de camps adverses. L’apparition du chœur qui devrait être interprété par Georges semble accomplir le mieux le projet de Samuel. La mort de Georges est racontée par le chœur qui fait écho au récit de la mort d’Antigone. Georges, tout comme Antigone est allée jusqu’au bout dans sa quête d’un idéal inaccessible au point de choisir la mort au lieu de vivre la soumission à l’ordre établi.
On voit bien qu’Antigone n’a pas été jouée comme pièce de théâtre, mais elle a été jouée dans le roman à travers le destin de chaque personnage. Même les deux frères ennemis Polynice et Etéocle sont incarnés dans le roman par Charbel et son frère. En dénonçant son frère, Charbel s’identifie à Etéocle. Imane est aussi une Antigone, « une héroïne du non qui défend sa liberté propre » (p.24).
Ce recours à la technique de mise en abîme n’est pas gratuit. Le romancier oriente le lecteur vers la façon dont le texte devrait être interprété. La confrontation de deux programmes narratifs inconciliables souligne tout l’enjeu de l’action : s’agit-il de vaincre ou de vivre ? Chalandon nous répond dans le roman à travers son personnage : « À nos cris “Palestine vaincra”, Sam répondait “Palestine vivra” sans que je m’interroge sur la différence qu’il faisait entre vaincre et vivre (p.17). »
Le Quatrième mur est le roman de la vie et non de la guerre, un roman de l’interrogation où l’essentiel repose sur les questions qu’il suscitera chez le lecteur. Chalandon voulait-il nous montrer à travers ce récit l’inanité des efforts déployés par tout combattant qui une fois a choisi le chemin de la violence, ne peut plus prendre le chemin de rebours et s’enlise inéluctablement dans sa perte ? Voulait-il nous inciter à suivre l’exemple de Sam qui, tout comme lui, en devenant écrivain, a réussi à échapper à cette emprise de la guerre par le biais de la fiction et de l’écriture ?
On voit bien que l’argumentation par le recours à la narration n’impose rien au lecteur, mais le force à se poser des questions, à rejoindre le monde des valeurs prêchées par les héros, plus particulièrement le droit de vivre en paix, de vivre ensemble, résumé par les mots de Georges formulé dans le roman à chaque fois qu’il rencontre l’un des camps libanais : « J’avais une nouvelle terre, une nouvelle famille (p.158). »
III- Argumentation par l’appel aux émotions
Au Liban, écrire l’histoire s’avère être beaucoup plus compliqué que l’on pense puisque chaque communauté a son point de vue sur la guerre civile. La diversification des appartenances n’a jamais permis au Libanais de se mettre d’accord sur la version à proposer de l’histoire.
Face à l’absence d’histoire officielle, le roman de Chalandon raconte l’histoire telle qu’elle est vécue par le personnage-témoin des horreurs de la guerre civile. La langue acquiert ici une nouvelle fonction, elle n’est plus uniquement une arme de guerre, mais aussi miroir des guerres décrites pour susciter chez le lecteur des sentiments qui le prédisposent à partager le point de vue du romancier. Ce qui prime, ce n’est plus ce qui est dit dans le langage, mais ce qui est fait par le langage par le biais de la mobilisation du pathos.
Par souci de brièveté, nous nous sommes contenté d’analyser quatre extraits dont la finalité explicitée aux lecteurs est informative. Or, ce gommage de la subjectivité n’est qu’apparent, puisque le discours, même s’il prétend représenter l’univers extradiégétique tel qu’il est, n’est en réalité qu’un bilan évaluatif qui reflète la façon de voir de l’auteur désireux de la faire partager à ses lecteurs.
Extrait 1
La veille, jeudi 11 avril 1974, trois membres du Front de Libération de la Palestine avaient attaqué la ville de Kiryat Shmona, en Galilée. Ils voulaient s’en prendre à une école, mais elle était fermée pour Pessah. Alors ils sont entrés dans un immeuble au hasard, assassinant dix-huit personnes, dont neuf enfants, avant de s’infliger la mort (p.18).
L’extrait raconte l’assassinat de neuf enfants à kiryat Shmona et taxe les agresseurs explicitement désignés et nommés. Cette objectivité apparente s’avère biaisée par la précision des stratagèmes préparés au préalable par les Palestiniens, mais qui restent inaboutis puisque l’école est fermée. Le massacre exécuté réellement n’est pas prémédité et a pour cible les enfants. La diabolisation attribuée aux agresseurs et la victimisation des agressés sont accentuées par l’ajout du mot « au hasard » qui révèle la barbarie des actants présentés comme des suicidaires « avant de s’infliger la mort. » L’attaque est donc présentée comme un attentat-suicide, les Palestiniens comme des agresseurs, et les Israéliens comme des victimes. Par l’évocation des enfants, le romancier réussit à mobiliser chez le lecteur les sentiments d’« antipathie » qui incitent le public à se positionner automatiquement contre un agresseur qui s’est déchaîné sur des victimes massacrées sans cause. La force de l’argumentation est due à ce recours à une topique qui a une certaine portée de vérité éthique, partagée entre le romancier et le lecteur.
Ce même fait est mis en question une deuxième fois dans le roman par Dr Cohen :
Je me demandais comment c’était possible. Comment des hommes avaient pu recouvrir de peinture le sang de ces gamins. Je n’étais pas en colère. Je n’avais pas de haine non plus. Je ne comprenais simplement pas. J’ai essayé d’imaginer le visage de ces gens, leur voix, leur vie. Je me suis demandé comment ils se sentaient après ce sacrilège.
J’ai cherché mes mots.
- Nous avons fait ça pour rappeler la souffrance d’un peuple.
Il m’a regardé.
- Le jour ou l’autre peuple se mourait ? […] si la guerre jette un enfant mort sur votre route, pleurez-le. Et honorez aussi les martyrs de Kiryat Shmona, s’il vous plaît.
Le médecin a souri. Il m’a tendu la main. Je me suis levé pour la prendre. J’avais LIouise en plein cœur, et ses rires de vie bleue. J’y protégeais Maroun, petit-fils de Simone égorgé à Damour. Et aussi les écoliers de Chatila qui récitaient l’exil. Il y avait encore tellement de place à prendre (P. 213-214).
Dans cet extrait, le docteur Cohen, un « jeune sioniste qui avait rejoint les rangs de Betar (p. 212)», présenté comme un homme posé, raisonnable tout comme Sam, le juif, critique une manifestation propalestinienne à laquelle ont participé Georges et ses camarades à Paris le 12 avril 1974 au lendemain de l’attaque de Kiryat Shmona en Galilée.
La réaction du juif n’est pas d’ordre affectif : « Je n’étais pas en colère. Je n’avais pas de haine non plus. » L’enjeu de son argumentation relève plutôt de l’ordre de l’action. Dr Cohen incite Georges à voir la douleur des autres, à ne pas rester prisonnier d’une seule façon de voir, à ne pas défendre un camp aux dépens de la souffrance des autres, à pleurer les enfants massacrés même s’ils sont ceux du camp adverse. Cet appel à développer son empathie ne relève pas uniquement d’un devoir-croire à la nécessité de compassion à l’égard de ceux qui souffrent injustement, mais aussi d’un devoir-faire, d’où les deux injonctions successives « pleurez-le. Et honorez aussi les martyrs de Kiryat Shmona. » Cet appel à la mobilisation joue fortement sur l’affect, mais aussi sur le bon sens de Georges. L’évocation des enfants innocents est l’une « des stratégies de captation » (Charaudeau, 2005, pp. 71–73) à laquelle Dr Cohen a recours pour créer une « orientation » émotionnelle : il s’agit d’éveiller chez Georges des sentiments d’injustice et de pitié d’une part et de montrer la cruauté des agresseurs d’autre part. Les substantifs utilisés sont eux-mêmes caractérisés par leur charge émotionnelle « sang de ces gamins, sacrilège, le peuple se mourait, un enfant mort, martyrs. » L’image du juif est une fois de plus valorisée. Dr Cohen apparaît dans cet extrait comme un tuteur de résilience, qui cherche à faire promouvoir le dialogue interculturel et la rencontre avec autrui peu importe sa nationalité (française, israélienne, palestinienne, libanaise) ou sa confession (maronite, chiite, druze, sunnite), tout en poussant Georges à sortir des représentations préconstruites sur l’adversaire et l’ennemi, sur l’auteur et la victime et à voir le côté humain.
Extrait 2
Dans une impasse, un corps coupé en deux, la jambe droite jetée près du bras. Une femme, tombée là-bas, sous l’étendage à linge. Une autre, abandonnée dans une décharge et couverte de gravats. Près d’un amas de voitures, un attelage funèbre. Trois chevaux gris et cinq hommes, face contre terre. Dans un angle de rue, une jambe artificielle, arrachée à un vieux prostré contre un rideau de fer. Un jeune à quelques pas, ventre gonflé, visage brûlé, de la merde séchée plein les jambes. Partout, des morts. Dans les maisons, dans les rues, les impasses, les terrasses. Les chairs broyées, les plaies béantes, les traînées de cervelle dans les buissons. Les yeux fous d’une femme, qui sortaient des orbites comme des billes de nacre (Chalandon, 2013, p.264).
Contrairement au premier extrait qui dénonce la barbarie de ceux qui ont massacré les enfants de Kiryat Shmona, l’extrait ci-dessus se focalise plutôt sur la description des victimes sans parler des agresseurs. La stratégie discursive utilisée pour toucher l’affect du destinataire est la dramatisation soulignée à travers le regard du personnage qui se confond avec une caméra couvrant le massacre sur le terrain. Or, loin d’avoir le même objectif d’un discours journalistique qui vise principalement à « faire savoir », le récit vise principalement à placer le lecteur dans la position de devoir céder à la tentation d’apitoiement vis-à-vis des victimes. Toutes les techniques qui concourent à le faire s’émouvoir sont exploitées. L’immobilité effrayante des cadavres, la mort de masse, le gros plan sur les corps massacrés, les odieuses conditions dans lesquelles toute une population désarmée, désemparée se trouve surprise forment une image choquante, une scène insoutenable. Les adjectifs révèlent la violence que les corps ont subie. Toutes sortes de violence : démembrement, brûlure, violence déchaînée sur le corps, enfants piégés. Les indications qui indiquent les âges, le nombre de victimes sont aussi significatives. Ce sont des enfants, des vieillards, et des femmes surtout qui sont attaqués.
Ce qui augmente la force du pathos, c’est la mise en scène des sentiments du personnage. Entre la description des cadavres, le personnage insère une description qui reflète son état d’âme :
J’ai cherché de l’aide autour de moi, frappé à la première porte. Elle était entrouverte. Des chaussures étaient alignées sur son seuil. J’ai pensé a Boucle d’or, à la famille ours de ma fillette en paix (p.262).
Le rapprochement entre les contes de fées et les enfants massacrés met en évidence la conclusion émotionnelle vers laquelle est incontestablement orienté cet énoncé tout en ne contenant aucun terme d’émotion : émouvoir le lecteur et susciter chez lui un sentiment de réprobation contre le massacre des enfants victimes.
Derrière ce regard ahuri du personnage se cache celui du romancier-journaliste qui taxe les violences de la guerre perçues comme étant les plus transgressives. Ce qui prime, ce n’est pas informer sur ce passé, mais c’est partager avec les lecteurs un moment atroce réellement vécu par le romancier.
Extrait 3 :
Des chrétiens libanais avaient attaqué le bidonville palestinien de la Quarantaine, à Beyrouth. Trente mille miséreux entassés dans les baraques recouvertes de tôles. Après le bombardement du quartier, les miliciens avaient fait le tri, brisant les cohortes de drapeaux blancs. Les femmes et les enfants à gauche, les hommes en âge de porter des armes à droite. Des centaines de morts. Puis le quartier avait été dynamité pour que personne ne respire plus et que rien ne repousse. Et voilà que deux jours plus tard, des Palestiniens, des Libanais et des miliciens étrangers étaient entrés dans Damour, un bourg chrétien au sud de Beyrouth. Enfants, femmes, hommes. Les vivants assassinés, les morts profanés dans leurs tombes. Le supplice d’une ville pour le martyre d’un quartier (p.88).
Dans cet extrait, Sam raconte à Georges les deux massacres de la Quarantaine et de Damour. Or, les faits ne sont pas uniquement exposés, mais commentés. Ce qui compte, c’est moins l’acte illocutoire que l’acte perlocutoire. Le lecteur ne peut percevoir les événements autrement que par le regard du personnage. Outre les images violentes et choquantes présentées, la narration met en exergue l’idéologie du romancier : l’évocation de ce passé s’avère être un tremplin pour voir les atrocités de la guerre civile. La frontière entre bourreaux et victimes se brouille et la violence devient justice. Contrairement à certains qui cherchent à donner un sens à la guerre, le romancier souligne plutôt la dimension parfaitement insensée de ce chaos. La guerre prend le sens de vengeance, d’une réponse sanguinaire à un premier acte sanglant menée sous le couvert d’une guerre juste.
Pour récapituler, l’analyse de ces extraits révèle le recours massif à la persuasion émotionnelle pour que la mémoire reste vivante, que les séquelles de la guerre restent visibles. Empruntés au passé, c’est vers l’avenir que ces évènements historiques se tournent. Le romancier passe ainsi d’une visée de « faire savoir » à une visée de « faire penser ».
Conclusion
Au terme de cette analyse, il nous semble avoir pu reconstruire l’éthos du romancier qui accomplit un double devoir envers l’humanité : un devoir d’ordre testimonial concrétisé par la représentation d’un monde en pleine guerre chaotique, dépourvu de sens, et un devoir d’ordre éthique traduit par l’incitation à la réflexion sur les idéologies présentes dans notre siècle. Tout comme Georges, nombreux sont ceux qui croient à la guerre menée au nom de valeurs pour arrêter l’injustice et promouvoir la justice. D’autres, comme Sam, cherchent à contrecarrer l’idéologie dominante en y substituant une politique de culture et de paix.
Or, choisir la littérature comme moyen d’exercer cette responsabilité, c’est lui conférer un rôle et un pouvoir majeurs pour ébranler les consciences de façon personnelle. Plus encore, Chalandon propose la littérature comme l’une des stratégies de gestion pacifique des conflits entre les camps adverses, car elle pourrait établir une communication entre les acteurs de terrain et les impliquer dans des processus de régulation interne du conflit. Le romancier va plus loin encore dans cette valorisation de la littérature en lui confiant le rôle de tuteur de résilience. Chalandon lui-même choisit l’écriture comme aide pour continuer à vivre, comme moyen de cicatriser ses blessures vécues durant la guerre.
Pour clôturer, nous soutenons le romancier dans sa tentative de développer des stratégies pacifiques qui s’appuient sur la culture pour arrêter la frénésie du monde actuel. Aujourd’hui la littérature devrait avoir cette mission prépondérante : amener le lecteur à réfléchir, à penser, à former sa sensibilité et son esprit critique. Écrire et lire le beau, c’est cette possibilité d’arrêter l’horreur. Faire revivre le passé, cela signifie sauver de l’oubli les événements traumatisants de notre siècle pour en tirer les leçons. À cette visée idéalisée censée faire prévaloir les valeurs humaines, il faudrait ajouter la visée pragmatique que le romancier préconise : les jeunes, les responsables, les pédagogues sont appelés à multiplier les représentations théâtrales, les rencontres artistiques, les activités culturelles qui pourraient rapprocher les camps adverses et permettre de dépasser la logique de fragmentation qui sépare les Libanais.
الهوامش
[i] docteur d’État en littérature française, spécialiste en analyses sémio-pragmatiques appliquées au théâtre contemporain, titulaire d’un certificat d’aptitudes professionnelles pour l’enseignement secondaire de l’Université Libanaise ; chargée de cours à l’Université libanaise section V ; a participé à la formation des stagiaires de la faculté de pédagogie. Elle travaille actuellement comme conseillère pédagogique cadrée, responsable du gouvernorat Al Nabatieh. Professeur Assistant en littérature française, Université Libanaise, section 5, Liban. Email :Hammoud_f@hotmail.com
حاصلة على دكتوراه دولة في الأدب الفرنسي، متخصص في التحليلات شبه البرجماتية المطبقة على المسرح المعاصر، حائز على شهادة الكفاءة المهنية للتعليم الثانوي من الجامعة اللبنانية؛ محاضر في الجامعة اللبنانية القسم الخامس؛ شارك في تدريب المتدربين من كلية التربية. تعمل حالياً كمستشارة تربوية أولى مسؤولة عن محافظة النبطية.
Références bibliographiques
Corpus
-1Chalondon, Sorj. (2013), Le quatrième mur. Paris : Grasset.
Ouvrages
-2Maingueneau, Dominique. (2001). Pragmatique pour le discours littéraire. Paris, Nathan, coll.
« Lettres supérieures », 186p.
-3Maingueneau, Dominique & Cossuta, Fréderic. (1995). « L’analyse des discours constituants ».
In Langages, 29ᵉ année, n°117, pp. 112-125.Groupe d’Entrevernes, Analyse sémiotique des textes, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1979.
-4Groupe d’Entrevernes, (1979). Analyse sémiotique des textes, Lyon, Presses Universitaires de
Lyon, 208 p.
-5Charaudeau, Patrick. (2001). Dictionnaire d’analyse du discours, Paris, Champion, 413p.
-6—————— (2006). Les médias et l’information : L’impossible transparence du discours, Bruxelles : De Boeck, 250p.
-7Amossy, Ruth. (2006). L’Argumentation dans le discours, Paris, Armand Colin, 275p.
Sitographie
-8Mévégué, Amobé. 2013. Le Goncourt des lycéens pour « Le quatrième mur » de Sorj Chalandon
-9(interview télévisée avec S. Chalandon suivie de l’article de P. Lafitte). http://www.france24.com/
-10fr/20131115-le-goncourt-lyceens-le-quatrieme-mur-sorj-chalandon/ [consulté le 2 septembre2019].