L’enseignement accéléré des langues ou l’évolution démesurée de la didactique des langues
التّسارع في تعليم اللغات أو التّطور اللامحدود في طرائق تدريس اللغات
Dr. Fatima Ibrahim د. فاطمة إبراهيم([1])
تاريخ الإرسال: 14-4- 2024 تاريخ القبول:26-4-2024
Résumé
L’enseignement des langues a énormément changé avec le temps. En effet, la première méthodologie d’enseignement des langues modernes n’est pas née du néant mais elle résulte d’un calque sur la méthodologie d’enseignement des langues anciennes surtout le latin et le grec. Ce recours à la méthodologie dite traditionnelle est d’ailleurs contesté dans les textes datant de la fin du Moyen âge et du XVIe siècle (Montaigne et Rabelais). D’ailleurs, la mise en œuvre historique d’une méthodologie d’enseignement linguistique s’étale sur trois siècles et à travers des formes très variées. Elle subit une évolution, dès la méthodologie d’enseignement scolaire des langues anciennes jusqu’aux frontières de l’approche actionnelle et de l’approche communicative, passant par la méthodologie directe, active, audiovisuelle et ne s’arrêtant pas avec la théorie du connectivisme et autres.
La méthode traditionnelle basée sur l’enseignement des règles grammaticales, sur la traduction et la fréquentation exclusive de l’écrit littéraire n’a pas résisté à l’évolution rapide de la didactique des langues: évolution des outils didactiques et du matériel pédagogique, importance accordée à l’enseignement des différentes compétences, position de l’enseignant et de l’apprenant dans le processus d’enseignement/ apprentissage, nature des supports pédagogiques, place des outils informatiques dans la conception des cours, place de la traduction ou même les stratégies de l’enseignement grammatical, autant de composantes qui ont changé avec le temps et influencé l’enseignement des langues.
La présente recherche portera sur l’évolution historique de l’enseignement des langues et les visions futures de la didactique des langues à l’ère du numérique et de l’enseignement autonome des langues modernes.
Mots-clés: enseignement/ apprentissage, évolution, méthodologie, méthode, approche, compétences, supports, outils, enseignant, apprenant, évaluation, numérique.
الملخص
لقد تغيّر تدريس اللغة بشكل كبير مع مرور الوقت. والحقيقة أنّ المنهجيّة الأولى لتعليم اللغات الحديثة، لم تولد من العدم بل كانت نتيجة لنسخ منهجيّة تدريس اللغات القديمة وخاصة اللاتينية واليونانيّة. هذا الاستخدام لما يسمى بالمنهجيّة التّقليديّة موضع إشكال أيضًا في النّصوص التي يعود تاريخها إلى نهاية العصور الوسطى، والقرن السّادس عشر (مونتين ورابليه). علاوة على ذلك، يمتد التّنفيذ التّاريخي لمنهجيّة التّدريس اللغوي إلى ثلاثة قرون ومن خلال أشكال متنوعة للغاية. ويشهد تطورًا، بدءًا من منهجيّة التّدريس المدرسي للغات القديمة إلى حدود المنهج العملي والمنهج التّواصلي، مرورًا بالمنهجيّة النشطة، المباشرة، السمعيّة البصريّة، ولا يتوقف عند نظريّة الوصليّة وغيرها.
إنّ الطريقة التّقليديّة القائمة على تدريس القواعد النّحوية وعلى التّرجمة، والاستخدام الحصري للكتابة الأدبيّة لم تقاوم التّطور السّريع لتعليم اللغة: تطور أدوات التدريس والمواد التّعليميّة، والأهميّة المعطاة لتعليم المهارات المختلفة، ومكانة التّعليم، المعلم والمتعلّم في عملية التّدريس/ التّعلم، طبيعة المواد التّعليميّة، مكان أدوات تكنولوجيا المعلومات في تصميم المقرر الدراسي، مكان الترجمة أو حتى استراتيجيات تدريس القواعد، المكونات جميعها تغيرت بمرور الوقت، وأثرت على تدريس اللغة. وسيركز هذا البحث على التّطور التّاريخي لتدريس اللغة، والرؤى المستقبليّة لتعليم اللغة في العصر الرقمي والتّدريس المستقل للغات الحديثة.
الكلمات المفتاحيّة: التدريس/التّعلم، التّطور، المنهجيّة، الطريقة، المنهج، المهارات، الدّعم، الأدوات، المعلم، المتعلم، التقييم، الرقمي.
Introduction
La didactique des langues étrangères n’est pas une discipline neuve et encore moins une discipline figée. Cette science s’ancre dans un domaine en constante évolution et en mouvance démesurée qui pousse les enseignants et les praticiens à des travaux de profonde réflexion quant aux méthodes et stratégies pédagogiques et éducatives. D’ailleurs, la tâche n’est pas aussi simple qu’elle le semble à première vue. Pour un enseignant, il ne s’agit pas uniquement de concevoir un cours avec des supports pédagogiques diversifiés et adaptés. Sa mission gagne en difficulté dès lors qu’il est invité à concilier principes méthodologiques et pragmatisme réfléchi qui pourraient avoir la vertu d’offrir aux apprenants un enseignement moderne, mais surtout et avant tout un enseignement efficace et réaliste: un enseignement réussi parce qu’adapté aux besoins, attentes, capacités, habitudes et conditions d’apprentissage.
Il n’est pas difficile de retracer une «Histoire» de la didactique et de l’enseignement des langues étrangères, à commencer par la période du Moyen-âge, passant par le XVIe siècle et jusqu’à nos jours. Il est sûr et certain que la didactique a beaucoup évolué et donc changé depuis ces temps-là jusqu’au moment présent où l’enseignement est devenu principalement «en ligne», avec la pandémie de la Covid-19. Loin de présenter un simple panorama historique des méthodologies qui se sont succédées depuis le Moyen-âge jusqu’à nos jours, nous tenterons dans cette étude d’analyser l’accélération du développement de la didactique en montrant comment l’évolution des autres disciplines en corrélation ont contribué à sa propre évolution.
- La didactique des langues, évolution méthodologique
1.1. Au début, furent «les vertus du langage»…
Depuis les enseignements de Théophraste[i] et d’Aristote, qui sont les plus appliqués durant la période médiévale, la conception de l’enseignement/apprentissage de la langue représente une espèce de «culture»[ii] de la langue. Nous sommes encore à une époque où l’enseignement/ apprentissage est lié à ce qu’on appelle «les vertus du langage». Il s’agit d’apprendre aux gens des principes de la prise de parole des Grecs qui se résument en quatre concepts: la pureté (puritas), la clarté et la justesse des propos (claritas), la beauté et l’esthétique de l’expression (ornatus) et finalement l’adaptation et la convenance (decorum). Dans l’antiquité, les Grecs visaient à apprendre aux autres peuples qu’ils qualifiaient de «barbares», parmi lesquels les anciens Gaulois/Français, la civilité. Un dessein entretenu plus tard par les Romains et préconisé par Cicéron, pour qui l’enseignement du latin constitue un moyen de cultiver les barbares. C’est un moyen d’ouvrir les esprits des gens, de leur permettre de s’ouvrir aux autres également, puisque c’est le moyen qui fut adopté initialement par les Latins, cherchant à s’élever au niveau des Grecs. En effet, ils avaient imité la tradition grecque, parlé la langue des Grecs afin d’être bien accueillis par eux et de s’implanter dans leurs sociétés.
Le prestige de la civilité demeure, pendant une longue période, attaché à l’enseignement/apprentissage et à la pratique des langues anciennes et surtout le latin et le grec. Plus tard, ce fut la pierre d’angle des enseignements des humanistes qui prêchaient le retour aux racines gréco-latines et qui incitaient à apprendre autant de langues que possible. Il s’agissait surtout d’accumuler les savoirs et connaissances scolastiques, de revisiter les différentes disciplines et sciences et de se construire une culture encyclopédique.
1.2. La traduction comme base de l’enseignement linguistique
Aux XIIe et XIIIe siècle, l’influence de la langue latine savante sur la langue française est élevée et continue à croitre, désormais grâce à l’influence qu’elle exerce dans certains domaines comme le droit et les sciences. Cette influence atteint son apogée surtout entre le XIVe et le XVIe siècle, avec la « Renaissance ». Les humanistes essayent de restituer la langue latine dans sa pureté antique. Le principe de base est celui d’Érasme dans son traité d’éducation: «On ne naît pas homme, on le devient». Son idéal est d’épanouir l’homme aux deux niveaux physique et intellectuel. Ce même principe, Rabelais le fait sien. Dans son célèbre ouvrage intitulé «Gargantua», et sur dix chapitres, Rabelais étale les principes de sa pédagogie humaniste parmi lesquels figure sa conception de l’enseignement/apprentissage linguistique.
Un autre concept clef qui constitue également une des bases inébranlables de la pédagogie humaniste est celui de la traduction des textes en langues anciennes vers le français, principe qui culminera et persistera longtemps après et constituera une des bases de la méthodologie classique dite traditionnelle. L’humanisme rend l’enseignement/apprentissage du latin un geste relativement «à la mode». Les raisons derrière ce phénomène sont simples. En effet, l’humanisme promeut la vulgarisation des savoirs de l’antiquité grâce à la traduction des œuvres antiques afin de rendre ce genre de connaissances accessibles aux gens. Plusieurs facteurs favorisent cette tendance vers la traduction. Tout d’abord, la découverte d’un grand nombre de textes entraîne une large vague de traductions favorisant ainsi l’effet du latin, et rendant prestigieux l’apprentissage de la langue latine comme langue savante. Ensuite, cette même langue savante s’intègre davantage dans différents domaines notamment le droit et les sciences. Ce sont exactement ces domaines qui favorisent le recours au latin comme langage technique et l’on ne s’étonne de remarquer que la quasi-totalité des mots techniques répandus sont des mots latins, remplissant ainsi les insuffisances de la langue française. Cette tradition persévérera jusqu’aujourd’hui dans certains domaines de spécialité comme la botanique et la pharmacologie par exemple. Un grand nombre d’expressions à usage quotidien est encore en circulation et permet de remplacer certaines périphrases plus compliquées (a priori, a fortiori, statu quo, sine qua non etc.)
Dans son livre intitulé «L’Ancien français», Pierre Guiraud explique qu’il existe au moins 30% de mots savants d’origine latine employés par les Français au XVIe siècle. En effet, même si la langue française jouit d’un prestige de plus en plus grandissant avec le temps, il lui manque des moyens d’expression pour mieux expliciter les œuvres anciennes. C’est ainsi que la traduction sert de processus d’enrichissement du vocabulaire français. La majorité des textes latins traduits à l’époque comprennent des mots pris directement au latin, lorsqu’un correspondant en mot français n’est pas possible. Ainsi, la traduction gagne en ampleur et en importance pendant la Renaissance, comme principe de tout enseignement linguistique.
1.3. L’enseignement humaniste: appel à l’enseignement de la culture
La pédagogie humaniste de la Renaissance se base sur le simple principe de rejet de l’enseignement imposé: par son raisonnement, l’apprenant devra filtrer les connaissances et les savoirs qu’il reçoit avant de comprendre et de juger par lui-même la justesse de ces savoirs, en manifestant son libre examen des textes anciens, loin des commentaires provenant de la tradition médiévale. Nous témoignons pour la première fois de la recherche des documents originaux et du retour aux ressources authentiques tels qu’ils apparaissent dans leur langue d’origine. Contrairement au modèle d’enseignement traditionnel médiéval basé sur la mémorisation et la répétition, deux principes de la méthodologie dite traditionnelle et qui sont prouvés inutiles plus tard, le modèle humaniste se fonde sur un développement des capacités intellectuelles naturelles à travers l’acquisition de la culture. Prônant un enseignement encyclopédique, la pédagogie humaniste invite l’apprenant à un épanouissement intellectuel basé sur une ouverture aux différentes disciplines. Il n’est pas étonnant de remarquer que les prémisses de l’interdisciplinarité existaient déjà dès le XVIe siècle, et qu’un travail sérieux en pédagogie visait à instruire l’individu en l’orientant vers un enseignement complet, valorisant à la fois la culture d’origine et les autres cultures, d’où la naissance future du principe d’interculturalité.
Cette pédagogie revendiquée par Érasme, Rabelais et Montaigne, se fonde sur plusieurs principes. Tout d’abord, la mémorisation n’est pas entièrement rejetée mais elle sert d’auxiliaire à l’acquisition des connaissances qui doit être logiquement pensée pour servir de vecteur à la compréhension et l’assimilation des savoirs avant de permettre de développer chez l’apprenant un esprit critique. En second lieu, le recours aux textes anciens originaux est privilégié comme source de la sagesse originale. L’enseignement individualisé est privilégié afin de garantir une transmission de savoirs en toute souplesse, prenant en compte les compétences individuelles de l’apprenant et basé sur le principe du tutorat enseignant/apprenant.
Dans son œuvre «Pantagruel», Rabelais expose dans une lettre écrite par Gargantua à son fils l’idéal de la pédagogie humaniste auquel il tend. Reprochant à l’enseignement médiéval traditionnel le bourrage de l’élève par un tas énorme de savoirs inutiles, et plaçant le monopole uniquement dans la main du précepteur, Rabelais préconise un enseignement global et universel basé avant tout sur l’apprentissage des langues:
J’entends et je veux que tu apprennes parfaitement les langues: premièrement le grec, comme le veut Quintilien, deuxièmement le latin, puis l’hébreu pour l’Écriture sainte, le chaldéen et l’arabe pour la même raison, et que tu formes ton style sur celui de Platon pour le grec, sur celui de Cicéron pour le latin. (Rabelais, 1532: chap. VIII)
Rabelais invite ainsi à revenir aux locuteurs natifs d’une langue afin de mieux déceler les caractéristiques linguistiques de cette langue. Grâce à l’exemple de Gargantua, Rabelais étale sa vision de l’apprentissage linguistique afin d’aborder les textes anciens dans leurs langues d’origine. Les bienfaits de l’éducation humaniste prônée par Rabelais sont davantage valorisés en les comparant à ceux de son antithèse, c’est-à-dire l’éducation médiévale à laquelle il faisait allusion dans son œuvre gigantesque. Rabelais trouve qu’une véritable éducation n’est possible sans partage de connaissances entre le maître et l’élève. En conséquence, une harmonie devra s’établir entre les deux actants du processus d’apprentissage, un partage de raisonnement et de savoir: une co-construction du savoir (qui est d’ailleurs curieusement la base de la pédagogie socio-constructiviste ou socio-cognitiviste de Bruner et de Vygotsky dans les années 90).
Montaigne, de son côté, plus sensible encore à l’éducation active et productive de l’enfant, invite dans ses «Essais» à délaisser les exercices de mémorisation au profit de la construction du savoir par l’élève lui-même. Cette préconisation serait-elle un des signes annonciateurs de la théorie constructiviste du savoir apparue en 1923 avec Piaget. Le principe défendu par Montaigne est assez clair: mieux vaut avoir «la tête bien faite que bien pleine.» (1580: I, XXVI) Une invitation est donc adressée pour assurer l’éveil de l’esprit de l’élève, pour lui assurer le goût de l’apprentissage résultant de la position libre et active d’apprenant.
C’est plus tard Jean-Jacques Rousseau qui présentera dans « Émile » l’idéal pédagogique tel qu’il le voyait au siècle des Lumières. En prolongement à la pédagogie humaniste, Rousseau invite à sensibiliser l’enfant tout d’abord aux connaissances environnantes avant de l’orienter vers la réflexion intellectuelle bien fondée, préconisant ainsi une pédagogie active et raisonnable.
L’enseignement/apprentissage des langues vivantes en dehors de l’enseignement du latin ne pourra être ainsi étudié qu’à partir du XIXe siècle où l’on témoigne les grands développements effectués dans le domaine.
1.4. Développement des méthodologies: constituants et contraintes
Pour traiter les notions de façon claire et concise, nous étudierons dans la présente recherche les différentes composantes des méthodologies afin d’évaluer la progression et l’évolution de ces méthodologies au fil du temps.
Nous venons de présenter ci-dessus un aperçu historique rapide de l’évolution des principes des théories d’apprentissage en relevant leur axe d’appui: traduction dans le cas de la méthodologie traditionnelle, enseignement plus actif et culturel avec l’enseignement humaniste, tendance à l’interdisciplinarité et à l’interculturalité avec la pédagogie post-humaniste et les approches ultérieures.
Tout d’abord, nous rappelons qu’une méthodologie est présentée par Christian Puren comme une formation historique, qui se distingue d’autres, et située à un niveau supérieur du fait que certains de ses éléments constitutifs sont soumis à des changements historiques décisifs.
En effet, les méthodologies naissent tout d’abord en réponse à des objectifs globaux, diversifiés selon les différents cycles d’enseignement, et qui peuvent être d’ordre formatif, culturel ou pratique. Elles peuvent naitre quelques fois suite à des décisions officielles, et sur des objectifs ministériels. Ces objectifs sont déclinés sous forme de contenus linguistiques et culturels favorisant l’étude d’un domaine déterminé. Sous-tendues par un discours plus profond et plus savant, les méthodologies viennent obéir à des théories de base qui en constituent la référence et l’appui, et qui leur constituent la matière d’action, le squelette qui contrôle leur voie, du côté pédagogique, linguistique, culturel, psychologique ou même historique. Ces méthodologies sont mises à l’épreuve dans des situations d’enseignement et elles en dépendent profondément: elles doivent prendre en considération certaines variantes parmi lesquelles les situations pratiques d’enseignement, les formations désirées et fournies par les enseignants, les besoins et les motivations des apprenants, les aspects langagiers travaillés et autres. La question des méthodes pédagogiques est également problématique à ce niveau. Il faut savoir concevoir ou choisir une méthode et un manuel qui permettent de ressortir les fondements théoriques de la méthodologie et d’en constituer une application concrète. Toutes ces variantes sont étroitement dépendantes de l’époque et peuvent changer avec tout changement de la politique ou des stratégies éducatives, voire tout changement de méthode.
Toujours selon Puren, la méthode, quant à elle, représente une sorte de données relativement permanentes, et se situe au niveau des objectifs techniques inséparables de tout enseignement. Il s’agit donc de la façon d’accéder au sens, des actions exigées de l’apprenant, des répétitions, des applications, des réemplois de structures, de l’exploitation du contenu linguistique, des stratégies d’acquisition etc.
Chaque méthodologie choisit ainsi ce qui convient au mieux à ses principes théoriques en choisissant la ou les méthodes qui servent ses objectifs. Une multitude de méthodes existe, dont nous pourrons citer: la méthode directe, la méthode-traduction, la méthode active, la méthode orale et autres. Une méthodologie pourra réunir plusieurs méthodes à la fois, selon ce que cette combinaison apporte à la réalisation des objectifs qu’elle se fixe. À titre d’exemple, la méthodologie traditionnelle repose essentiellement sur la méthode-traduction, la méthodologie directe se base, entre autres, sur la méthode active et ainsi de suite. Il s’agit donc d’une question de proportion et de combinaison entre les différentes méthodes qui existent et qui sont exploitées différemment.
1.4.1. L’évolution au niveau des stratégies et des techniques pédagogiques
La première méthodologie officiellement adoptée dans le domaine de la pédagogie est la méthodologie traditionnelle, connue également sous le nom de méthodologie-traduction et de méthodologie-grammaire. Elle se base sur la traduction comme processus de base, permettant à l’apprenant d’accéder automatiquement à la langue étrangère en passant par le vecteur de sa langue maternelle. Pour ce faire, il a besoin d’un bagage linguistique assez large dont il puise les éléments nécessaires. La stratégie privilégiée pour l’acquisition du bagage linguistique est surtout la lecture. Un accès à la culture est surtout privilégié par l’accès aux larges corpus de textes littéraires. La mémorisation est surtout adoptée comme technique d’apprentissage de la langue étrangère.
Comme la grammaire fait partie dominante de l’enseignement linguistique classique, on enseigne la grammaire de façon déductive: l’énoncé de la règle grammaticale est suivi de son application sous forme de phrases éparpillées. Il y a surtout recours à un métalangage grammatical qui persiste dans l’enseignement des langues jusqu’au moment présent. La prononciation est également travaillée et est contrôlée constamment sous forme de dictées. Reposant sur un modèle imitatif rigide, la méthodologie traditionnelle est peu flexible et induit un enseignement essentiellement passif.
Les deux techniques susmentionnées, la traduction et la grammaire, sont ensuite combinées sous forme d’une technique appelée version-grammaire. Dans ce cas, l’accès à la langue étrangère est obtenu grâce à la traduction de passages littéraires mot à mot. Ceci freine donc la stratégie de la gradation en difficultés grammaticales, parce que l’apprenant est confronté à différents niveaux de difficultés grammaticales à la fois.
La méthodologie naturelle cherche à faire acquérir la langue étrangère par tâtonnement et sans artifices. En procédant le plus souvent par des adaptations, modifications, accommodations, l’apprenant sera invité à trouver sa voie tout seul en se référant au bain linguistique dans lequel il se trouve.
Avec les résultats décevants de la méthodologie traditionnelle, la méthodologie directe enseigne la grammaire de façon inductive: les règles de grammaire ne sont point données explicitement. La prononciation y est d’une importance particulière et la langue écrite est prise sous l’aspect d’une langue orale mais scripturalisée. Grâce aux méthodes imitative et répétitive, la production acoustique se fait par mémorisation lexicale. Les exercices privilégiés sont surtout les conversations et les questions/réponses (méthode dite interrogative) dirigées par l’enseignant. Le vocabulaire de la langue étrangère est directement accessible sans passer par le vecteur de la langue maternelle de l’apprenant. Les éléments paraverbaux et non verbaux (gestes, mimiques, intonation etc.) sont mis en valeur aussi bien que l’activité physique qui pourrait accompagner l’enseignement linguistique (dramatisation et jeux de rôle).
Refusée comme ses antécédentes à cause de la grande inflation dans l’apprentissage lexical, la méthodologie directe est vite remplacée par la méthodologie active. Pourtant, cette dernière représente une sorte de combinaison entre plusieurs techniques et stratégies de méthodologies existantes. Elle préconise le retour à la langue maternelle et encourage de nouveau l’apprentissage lexical en autorisant le passage à la traduction. L’entrée aux leçons est organisée par thèmes de la vie quotidienne, la grammaire est accédée par un enseignement raisonné. Il y a un retour à la progression grammaticale inductive tout en privilégiant la morphologie sur la syntaxe. Aussi bien dans l’apprentissage de la grammaire que de la prononciation, le mode de progression n’est plus intensif répétitif mais plutôt extensif.
La méthodologie audio-orale (MOA) ou connue aussi sous le nom de la méthodologie de l’armée succède à la méthodologie active: elle se base sur une théorie du langage, à savoir la linguistique structurale distributionnelle aussi bien que sur une théorie psychologique de l’apprentissage et qui est le béhaviorisme. Tout d’abord, elle se distingue des méthodologies qui la précèdent par son ambition de travailler sur les quatre compétences afin de rendre possible la communication dans la vie de tous les jours. L’enseignement/apprentissage des structures syntaxiques prévaut sur celui du lexique. La communication doit se tenir en langue étrangère afin d’éviter toute interférence avec la langue maternelle et d’éviter par la suite tout besoin de traduction. La culture étrangère est abordée quoiqu’elle représente une source de difficultés. Pourtant, elle favorise un comparatisme culturel qui sera plus tard apprécié avec les méthodologies plus modernes.
Suite à la méthodologie audio-orale, la méthodologie structuro-globale audio-visuelle (SGAV) prend le relais et se base sur les fondements de la théorie de la Gestalt dont le plus important est la perception globale de la forme. Située dans le prolongement de son antécédente, elle procède par un travail de transcodage d’images pouvant investir le contenu sémantique ou énonciatif. La méthodologie SGAV considère surtout que la langue constitue, entre autres, un système acoustico-visuel, impliquant ainsi l’importance de l’enseignement/apprentissage du contenu linguistique (lexique), la grammaire et surtout la situation contextuelle.
Avec l’importance ascendante de la situation de communication valorisée sous la méthodologie SGAV, l’approche communicative la considère comme sa pierre d’angle. L’objectif essentiel est donc de communiquer et de savoir investir les connaissances linguistiques dans des finalités communicatives. Située dans la complémentarité de l’enseignement/apprentissage du français fondamental et du français fonctionnel en France, elle cherche à développer la technique de communication immédiate et se base sur l’analyse des besoins langagiers des apprenants. Il s’agit d’étudier en profondeur ce dont l’apprenant aura besoin pour réussir un échange verbal dans un large éventail de situations de communication diversifiées. L’approche communicative répond à des objectifs plus utilitaires et s’adresse à un public plus spécialisé. Prenant en considération les dimensions linguistique et extralinguistique, les stratégies communicatives sont davantage mises en valeur et reposent sur une connaissance des règles et des codes sociologiques, situationnels et culturels.
À la différence de l’approche communicative qui est centrée sur les concepts de savoirs, savoir-faire et savoir-être dans la vue de rendre toute réussite en situation de communication possible, l’approche actionnelle appelée aussi approche par tâches, est centrée sur la notion de tâche qui repose sur les actes de parole et qui permet d’accomplir une action «réelle» qui n’est pas forcément une action à but pédagogique malgré la possibilité de son investissement didactique. L’approche actionnelle préconise surtout le développement de diverses compétences, dont la compétence communicative constituée de composante linguistique, pragmatique, et sociolinguistique, la compétence socioculturelle et autres.
1.4.2. L’évolution au niveau des matériels d’enseignement
La méthodologie traditionnelle, qui au début était utilisée uniquement pour l’enseignement des langues anciennes comme le latin et le grec fit le début de ses applications aux alentours du XVIe siècle avec l’avènement de l’humanisme. Mais on ne pourrait vraiment parler de son application à l’enseignement linguistique qu’à partir du XVIIe siècle, avec les humanistes Érasme, Rabelais et Montaigne. Le matériel d’enseignement de la méthodologie traditionnelle est au début formé d’un corpus de textes provenant majoritairement du latin, et de listes de mots représentant une sorte de dictionnaires. C’est pourquoi cette méthodologie se base sur la méthode traduction et est qualifiée de méthode grammaire/traduction. Elle assure un enseignement théorique, classique, assez vaste des règles de la grammaire et procède par traduction. Christian Puren considère que la méthodologie traditionnelle a engendré entre le XVIIIème et le XIXème siècles des transformations méthodologiques essentielles, et fut sujette à une évolution interne qui a préparé l’avènement de la méthodologie directe.
Ces mêmes principes théoriques de la méthodologie traditionnelle entrent en application dans l’enseignement/apprentissage du français au début du XIXe siècle. Ainsi, l’enseignement des langues étrangères n’est basé sur aucun matériel ou manuel scolaire, et les textes littéraires sont pris comme le seul support pédagogique digne d’être utilisé dans l’enseignement de la langue.
Avec la méthodologie naturelle, l’apprentissage de la langue étrangère se fait à partir de la langue quotidienne comme la forme la plus proche de l’apprentissage de la langue maternelle. Elle invite à utiliser des magnétophones, et des disques sonores, et diversifie les supports entre textes écrits, dessins, et documents sonores comme les chansons.
Quant à elle, la méthodologie directe reposant sur les méthodes directe, active et orale, constituait une approche naturelle de l’apprentissage d’une langue étrangère fondée sur l’observation de l’acquisition de la langue maternelle par l’enfant. Les changements au niveau des matériels demeurent insignifiants.
Dans le désir d’assouplir la rigidité de la méthodologie directe, la méthodologie active revalorise l’accès aux textes écrits. L’enseignement de la prononciation est aussi privilégié grâce aux mêmes supports et procédés de la méthodologie directe. Les dessins sont également autorisés pour favoriser l’enseignement du vocabulaire. L’équipement sonore (enregistrements, magnétophones) est ainsi privilégié.
La méthodologie audio-orale, elle, recourt surtout aux exercices structuraux et nécessite des laboratoires de langues pour rendre l’enseignement plus efficace. Remplacée par la méthodologie SGAV, cette dernière se base sur les documents sonores et visuels en privilégiant le recours aux enregistrements magnétiques et aux images fixes comme supports pédagogiques. Telle la MOA, elle est exigeante au niveau du matériel et des supports pédagogiques parce qu’elle exige l’établissement de laboratoires de langues et la présence de magnétophones de haute performance.
Un peu plus tard, l’approche communicative élargit le champ d’investissement pédagogique de différents supports et de documents. Tout document, fabriqué ou surtout authentique (c’est-à-dire non destiné à l’origine à être utilisé en classe de langue comme outil d’enseignement), est digne de constituer un support pédagogique. Les manuels scolaires renferment davantage de conversations réelles, d’enregistrements sonores en situations de communication réelles, de reportages vidéos, d’affiches publicitaires etc. Tout matériel assurant la réalisation de l’objectif final est donc autorisé à l’investissement pédagogique. Ce sera aussi le cas de l’approche actionnelle qui pourra investir tout document dans une visée didactique.
1.4.3. L’évolution au niveau de la modalité d’enseignement
La méthode traditionnelle ignorait complétement tout enseignement de la langue parlée en se centrant sur l’écrit. Il s’agit d’un enseignement classique qui valorise l’enseignement/apprentissage de l’écrit aux dépens de l’oral. Le témoignage de Montaigne au XVIIe siècle n’est pas assez choquant si l’on considère la longue période où l’oral fut négligé au profit de l’écrit. En effet, Montaigne qui maitrisait assez bien le latin se plaignait d’avoir perdu un bon tas de ses connaissances dès son entrée au collège: «Mon latin s’abastardit incontinent, duquel par désacoustumance, j’ay perdu tout usage». La langue latine qui est enseignée à ce stade est encore très loin d’être enseignée pour constituer un outil de communication, plutôt que langue prestigieuse de l’ancien heureux passé.
Par contre, la méthodologie naturelle permet de faire découvrir la langue étrangère à l’apprenant grâce à la langue naturelle, quotidienne, de son vécu. L’apprenant est exposé très tôt à des conversations en langue étrangère. Il y a donc une favorisation de l’oral.
Comme la méthodologie naturelle, la méthodologie directe cherche aussi à accéder à la langue orale directement et non plus par l’intermédiaire de la langue écrite. Elle peut procéder par un recours iconographique (sous forme de dessins ou de symboles suivant la méthode appelée méthode intuitive). L’objectif principal est de faire passer l’apprenant à l’expression orale le plus possible. Elle s’avère donc d’une portée plus pratique que son antécédente. Le passage à l’écrit vient en second lieu et sert de moyen de fixation des savoirs acquis oralement.
À son tour, la méthodologie active cherche l’harmonie en accédant aux textes écrits et oraux à la fois et en autorisant aussi l’utilisation d’images ou d’éléments iconographiques afin d’éviter le recours systématique à la traduction.
Avec la méthodologie audio-orale, on continue à considérer l’oral comme prioritaire dans le processus d’enseignement/apprentissage. La langue sera donc considérée comme un ensemble d’automatismes linguistiques qui permettent de réinvestir spontanément les formes linguistiques appropriées, d’où l’intérêt accordé surtout à l’apprentissage de la langue orale. Quant à la méthodologie SGAV, et malgré l’intérêt porté aux quatre compétences relevant de deux modalités d’enseignement, orale et écrite, pourtant l’oral est majoritairement privilégié par rapport à l’écrit. Elle favorise trois pôles dans le processus d’enseignement/apprentissage: image, dialogue et situation de communication, tous mettant en avant les échanges oraux et qui ne passent pas forcément toujours à l’écrit.
Comme son antécédente, l’approche communicative cherche elle aussi à développer et à favoriser les savoirs, savoir-faire et savoir-être, et privilégie également les quatre habiletés ou compétences à pied d’égalité. Appartenant aux domaines de l’oral et de l’écrit, elles sont distinguées l’une de l’autre, à savoir la compréhension orale et la production orale puis la compréhension écrite et la production écrite sans ordre de préférence. Elles peuvent être travaillées à n’importe quel moment d’une séquence pédagogique et sans ordre de priorité. De même, l’approche actionnelle accorde autant d’importance aux deux domaines de l’oral et de l’écrit et cherche à développer les quatre compétences susmentionnées de façon égale.
1.4.4. L’évolution au niveau du rôle de l’enseignant et de l’apprenant
L’enseignant qui tient le monopole de sa classe sous la méthodologie traditionnelle est lui-même et lui seul le centre de sa classe. C’est lui qui s’exprime toujours en premier et représente la seule source de la bonne information. C’est lui qui explique sa leçon et qui choisit de l’appliquer de la façon qu’il trouve convenable.
Avec la méthodologie naturelle, l’enseignant ressemble davantage à un metteur en scène qui s’assure de faire coopérer tous les membres de son groupe pour induire des échanges oraux entre eux. La méthodologie active investit dans la motivation de l’apprenant, considérée comme condition nécessaire pour la favorisation du processus d’enseignement/apprentissage. La méthodologie audio-orale invite aussi l’apprenant à s’exercer autant que possible en effaçant au maximum le rôle de l’enseignant devenu plutôt guide et accompagnateur.
Quant à la méthodologie SGAV, l’enseignant représente pour l’apprenant le modèle du locuteur natif à imiter, rapprochant le plus possible l’image du locuteur à devenir, ce qui demeure difficile à atteindre par l’apprenant qui essaie d’assumer son rôle d’agent actif en classe et de facteur essentiel dans le processus de communication impliqué.
Ce même processus est mis à l’honneur avec l’approche communicative. L’apprenant est très actif sous cette approche, parce que l’enseignement/apprentissage est basé sur le principe d’interaction sociale, où la négociation constante des rôles et des statuts sociaux se joue par le langage. L’apprenant peut s’influencer par ce processus actif qui le rend un actant social. L’enseignant devient plus un conseiller qu’un professeur, et il est là pour lui proposer des accommodations et des modifications aux savoirs acquis ou en cours d’acquisition. Avec l’approche actionnelle qui ne fait pas son apparition pour la première fois à ce moment, mais qui faisait déjà son apparition sous le nom d’approche fonctionnelle, le rôle de l’enseignant et de l’apprenant ne cesse de changer. L’apprenant devient plutôt un usager de langue étrangère et un acteur social que communicateur, un mobilisateur de stratégies et de compétences. L’enseignant, lui, agit davantage comme un médiateur permettant l’accès de l’apprenant au savoir, il devient plutôt garant du bon usage de la langue.
- Quelle évolution ? Comment ? Et à quelle vitesse ?
Loin de constituer un panorama historique de toutes les méthodologies ou les méthodes d’enseignement, et loin de prétendre relever dans cette étude sommaire toutes les caractéristiques et les contraintes de ces méthodologies, nous nous contentons de ce que nous venons d’exposer afin de souligner le caractère évolutif, voire même furtif, de la didactique des langues.
S’intéressant aux principes théoriques, aux méthodes constitutives, aux stratégies et aux techniques de la pratique du métier d’enseignement/apprentissage, à leurs caractéristiques et à leurs contraintes, la didactique des langues a cumulé les savoirs et les découvertes au fil du temps pour les investir au bon moment. Il semble qu’elle a des racines beaucoup plus anciennes comme cité ci-haut et cette évolution tend à s’accélérer très rapidement depuis les dernières décennies du XXe siècle et avec le XXIe siècle. En témoigne la succession presque démesurée des méthodologies à partir des années 1960. L’intérêt porté à l’enseignement de la culture est plus ancien qu’on ne le croit, il date de la renaissance comme nous venons de voir. Pourtant, il constitue une base essentielle de l’approche communicative et de l’approche actionnelle.
Pour aller encore plus loin, nous pensons que cet enseignement culturel favorise l’aspect interculturel de l’enseignement/apprentissage linguistique de toutes les approches modernes. Ainsi, les bases didactiques théoriques ont longtemps précédé leur mise en application. L’enseignement humaniste, nous venons de voir, prêchait l’interdisciplinarité encore très tôt. Toutefois, ce n’est guère la modernité seule qui imposa l’innovation pédagogique, mais ce sont surtout des facteurs en fonction des apprenants et de leurs besoins langagiers qui en sont responsables.
À cet égard, les méthodes et méthodologies actuelles qui semblent à nos yeux assez efficaces et actives connaitront le sort de leurs précédentes qui nous paraissent aujourd’hui assez désuètes et qui nous font largement rire dans peu de temps. Il ne sert donc à rien de s’attacher, par un dogmatisme flatté, aux approches didactiques contemporaines sous le simple prétexte d’avoir beaucoup changé pour s’adapter aux nouveautés de l’époque. L’affaire n’est pas aussi simple qu’elle ne le semble à première vue. Ce qui compte dans l’évaluation de la pertinence de toute méthodologie ou méthode pédagogique, ce sont uniquement leur efficacité et leurs résultats.
En outre, toute méthode préconisée n’est pas forcément utilisée telle qu’elle a été conçue originairement. Il n’est pas étonnant de trouver des praticiens qui utilisent de façon très traditionnelle une méthode pédagogique basée sur une approche assez récente ou le contraire. La mise en application d’une méthode pédagogique qui date ne voudrait pas signifier recours effectif à la méthodologie qui y est préconisée non plus.
Toute tendance à l’«universalité» dans le domaine de la didactique ne conduit pas à des résultats très précis si l’on ne prend pas en considération un certain nombre de variantes concernant les situations d’enseignement/apprentissage et les pratiques diversifiées aussi bien que des variantes contextuelles et situationnelles. Il en va de même pour le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues. Selon Daniel Coste: «Pour tout usage […], le Cadre n’est qu’un instrument parmi d’autres, à utiliser avec d’autres et en prenant soigneusement en compte les dimensions contextuelles. Toute mise en œuvre du Cadre implique des analyses autres de ce contexte […], qui ne peuvent que conduire à des conclusions non standardisées»[iii].
Ainsi, la particularité de la didactique des langues provient du fait que l’enseignement des langues, quoiqu’il paraisse assez générique au niveau théorique, pourtant il est d’une grande particularité et ne pourrait constituer une application sur le terrain de quelques directives théoriques et pragmatiques. Nous trouvons donc, dans chaque pays et sans exception, une diversité de dispositifs d’enseignement mis en application et qui prennent profondément en considération les contraintes et les conditions nécessaires à cette application et qui ne sont pas transposables dans d’autres pays. En effet, tout pays reste soucieux de trouver ce qu’il considère comme meilleure méthode ou meilleure méthodologie afin de garantir à ses apprenants un enseignement harmonieux, et de qualité, pour assurer leur développement intellectuel dans une société en perpétuelle évolution. Néanmoins, l’attente de cette méthode ou méthodologie miraculeuse qui épargne aux chercheurs la peine de mener des recherches plus poussées dans le domaine, et qui permet d’enseigner et d’apprendre sans effort de la part de l’enseignant et de l’apprenant à la fois, ne serait rien qu’une illusion trompeuse ou au mieux un fantasme commercial et fallacieux. En même temps que l’on cherche à innover dans les méthodologies et les méthodes pédagogiques en s’éloignant autant que possible des pratiques antérieures, le souci d’épargner aux apprenants de subir les essais enseignants tâtonnants régis par l’instabilité des changements méthodologiques et pouvant avoir l’air très innovant, devrait être le motif et le pivot de toute recherche future. Il ne faut surtout pas oublier que l’enseignement de la langue étrangère devrait bénéficier du même traitement que celui de la langue maternelle afin de rendre tout dispositif d’enseignement un processus relativement «naturel».
Sous forme d’ajustement ou de tâtonnement, l’évolution en didactique des langues est donc imprédictible. Elle peut sembler quelques fois très radicale par rapport à certains moments de son histoire, d’autres fois elle apporte de simples accommodations et ajustements à une base solide déjà existante. Si le passage de la méthodologie traditionnelle à la méthodologie directe fut un grand saut dans l’histoire de la didactique des langues, le passage de l’approche communicative à l’approche actionnelle (on parlera même aujourd’hui d’autres approches comme le connectivisme) s’avéra plutôt assez souple, et sembla quelques fois imperceptible.
D’ailleurs, l’évolution accélérée en didactique est indissociable de différents types d’évolutions dans des domaines diversifiés. Tout d’abord, les évolutions sociétales ont introduit de nouveaux objectifs dans le domaine de l’enseignement des langues s’éloignant ainsi d’un accès à la littérature dans une vision esthétique vers une approche didactique à portée davantage communicative et utilitariste, imposée par la nature de la société moderne. Ensuite, les évolutions technologiques représentent un saut typique dans l’enseignement/apprentissage des langues par l’introduction de nouveaux matériels pédagogiques: projecteurs et magnétophones constituant l’ancienne «génération» du matériel d’enseignement, ils sont actuellement remplacés par des outils informatiques plus sophistiqués comme les tableaux interactifs (interactive board), les tablettes et les logiciels d’enseignement à distance aujourd’hui pierre d’angle de l’enseignement en ligne. Il n’est pas à négliger l’effet énorme de l’introduction de cette nouvelle génération d’outils informatiques et logistiques sur le processus d’enseignement/apprentissage moderne que l’on témoigne aujourd’hui avec les Techniques de l’Information et de la Communication dans l’Enseignement ou TICE.
En addition, certaines évolutions au niveau même du public apprenant ont émergé entrainant ainsi l’évolution obligatoire du dispositif d’enseignement: le changement du profil des publics apprenants qui se sont dirigés davantage vers des contextes professionnels très spécialisés a engendré la naissance à la fois logique et légitime du français sur objectifs spécifiques (FOS) à titre d’exemple, le français pour les immigrants ou programme d’intégration linguistique pour les immigrants (PILI), etc.
De même, l’évolution au niveau du comportement des apprenants et leurs attitudes à l’égard de l’enseignement des langues a mobilisé à sa façon l’évolution en recherches didactiques, accordant à l’enseignement linguistique une importance accrue, avec la conscience de l’apprenant que cet enseignement est devenu beaucoup plus prioritaire qu’il ne l’était il y a trente ans. Son urgence devient davantage concrète et immédiate.
Finalement, l’évolution des recherches dans différents domaines auxiliaires à la didactique des langues contribue directement à ce développement accéléré de la didactique, citons à titre d’exemple les recherches en sciences cognitives, en sciences de l’éducation et du langage, en psycholinguistique et en sociolinguistique, en orthophonie et tant d’autres.
De toute façon, les travaux et les recherches dans les différents domaines complémentaires à la didactique et susmentionnés constituent sinon une raison derrière les innovations didactiques, du moins un motif poussant à des orientations pédagogiques contrôlant les options didactiques et constituant la base des approches cohérentes.
Encore faudrait-il remarquer que tout au long de cette étude l’on se situe dans l’histoire européenne des méthodologies et non pas dans une histoire universelle puisque toute question de l’universalité de cette histoire ne s’est jamais posée. Curieusement, on remarque également que les didacticiens demeurent muets sur l’aspect local. Peut-être faudrait-il encore se demander si la globalisation, avec tout ce qu’elle a apporté d’ouverture sur l’autre, n’a pas épargné la vision de l’enseignement/apprentissage des langues vivantes. Ceci dit que dans un monde régi par la globalisation, qui se transforme en village unique, un monde connecté en réseaux, il n’existe plus de frontières entre les pays. Serait-ce un indice sur la nécessité d’avoir une méthodologie qui favorise l’interconnexion entre les différents publics apprenants?
Par ailleurs, des recherches abondantes dans le domaine font émerger un nouveau concept en didactique des langues, à savoir le «connectivisme». Ce principe, que nous exposons dans le point suivant, semble promettant et accompagnera les dernières évolutions technologiques dans le domaine de l’enseignement à l’ère du numérique.
- Le connectivisme, ou la théorie de l’apprentissage à l’ère du numérique
L’usage des technologies dans les dispositifs d’enseignement/apprentissage s’est démesurément accru avec le développement des outils numériques, facilement exploitables dans une visée pédagogique. Avec la tendance vers les formations en ligne, une nouvelle théorie de l’apprentissage se met en place dans les années 2000, le connectivisme, développée par les Canadiens Stephen Downes et George Siemens, qui ont par la suite conçu le MOOC[iv] collaboratif. Il s’agit d’utiliser un réseau de «nœuds» et de connexions, ces nœuds pouvant être des informations, des simulations, des données ou autres. Dans ce cas, nous pouvons considérer l’apprentissage comme processus de connexions de natures différentes: connexions interhumaines (entre les personnes), inter-informatiques (entre les ordinateurs), interdisciplinaires (entre les différents champs de spécialité) et finalement inter-neuronales (c.à.d. transfert d’informations par l’intermédiaire des neurones humains).
Le connectivisme résulte d’une fusion de plusieurs théories de l’apprentissage, qui puisent du béhaviorisme, du cognitivisme, du constructivisme et du socio-constructivisme à la fois. Selon Siemens: «L’apprentissage peut résider en dehors de l’individu (au sein d’une organisation ou une base de données), et se concentre sur la connexion d’ensembles d’informations spécialisées. Les liens qui permettent d’apprendre davantage sont plus importants que l’état actuel de notre connaissance.» (2005: 4)
Les principes de cette théorie sont simples. Tout d’abord, il s’agit d’une vision qui utilise les mêmes métaphores de la toile (Web) et qui identifie l’apprentissage à un processus formé d’un certain nombre de nœuds interconnectés. Comme les internautes autour du monde sont reliés les uns aux autres grâce à de larges réseaux de données et d’opérations spécialisées sur la toile, l’apprentissage constituera le moteur d’une toile où des nœuds variables les relient les uns aux autres grâce à des sources d’informations. Les nœuds étant des liens reliant les utilisateurs ensemble par l’intermédiaire des connexions, ainsi les ordinateurs et les appareils intelligents assureront cet apprentissage en offrant une mise à jour continue des connaissances, résultant le plus souvent d’une diversité d’opinions. C’est cette diversité qui permet de favoriser l’apprentissage parce qu’elle implique une prise de décision fondée sur un éclectisme d’informations et de savoirs, dont l’importance est plus critique que ce que l’on imagine actuellement. L’entretien des connexions à différents niveaux est donc essentiel pour assurer l’apprentissage continu et l’importance d’une donnée (ou nœud) pourra ainsi changer en fonction du temps et du contexte de cette donnée.
Cette théorie de l’apprentissage qui met en relief l’impact grandiose des nouvelles technologies sur notre vie de tous les jours présente un tournant nouveau au niveau des apprentissages: on part à la quête continue de nouvelles connaissances pertinentes sur la toile, on étudie permanemment la fiabilité de ces outils, et on affirme en même temps son appartenance à des réseaux sociaux ou communautés de pratique.
Le connectivisme se caractérise par le fait qu’il offre à l’apprenant la possibilité de construire son propre savoir tout au long de sa vie et à son propre rythme. Considérant la langue comme un “savoir connecté”, l’apprentissage bénéficie ainsi de certaines particularités.
Tout d’abord, l’enseignement/apprentissage offert par une gamme assez diversifiée de ressources et de supports rend l’acquisition du savoir langagier et des compétences communicatives une tâche assez aisée. Mais, pour en tirer profit, l’apprenant devra posséder les outils nécessaires pour le traitement de ces connaissances. Il trie les informations, les soumet à l’évaluation, les interconnecte grâce aux nœuds placés à sa disposition et participe à leur évolution dans un contexte culturel plus large que le sien. Dans cette perspective, la co-construction des savoirs se passe de façon souple et spontanée tout en recourant à différentes sources de savoirs.
Cette co-construction est d’autant plus importante qu’elle se passe de façon immédiate. D’ailleurs, l’étudiant a un accès sur le champ d’une large gamme d’outils de communication rapide tels son téléphone portable ou autres et qui lui permettent d’accéder directement au savoir: on peut tout de suite chercher la définition d’un mot ou l’explication d’un concept lorsqu’on le rencontre durant le processus d’apprentissage grâce aux dictionnaires au libre accès en ligne ou les forums de discussion etc. Tout cela permet d’enrichir et d’approfondir les connaissances des étudiants qui seront à la croisée de plusieurs nœuds de connexion. Plus encore, ces nœuds assurent la complexification du savoir langagier qui ne cesse d’évoluer avec les apports des différents participants aux nœuds de connexion. Les activités linguistiques qui travaillent les différents aspects de la langue cible ne manquent point: exercices syntaxiques, lexicaux, phonétiques etc. Les ressources sont mises à jour de façon permanente par les utilisateurs et les nouveautés de la langue-cible sont ainsi régulièrement présentées aux utilisateurs connectivistes.
Toutefois, plusieurs chercheurs contestent cette nouvelle théorie qui, à leurs yeux, n’est pas du tout nouvelle (Verhagen en 2006, Kerr en 2007). Leurs arguments se basent surtout sur l’idée que le connectivisme n’est pas une théorie d’apprentissage en soi, mais qu’il constitue plutôt une certaine façon d’organiser l’apprentissage. En effet, il n’explique point comment se produit le processus d’apprentissage de la part de l’apprenant, quoiqu’il propose une vision relativement moderne de ce processus d’interconnexion, qui ne peut finalement qu’être considéré comme processus d’apprentissage. D’ailleurs, dans un monde interconnecté à différents niveaux, toute connexion avec d’autres personnes, par le biais de n’importe quel moyen, n’est autre qu’apprentissage: sur l’autre, sur le monde, source d’informations etc. La preuve, c’est que les différents réseaux sociaux peuvent, et le sont actuellement, être utilisés comme matériel pédagogique: avec la pandémie de la Covid 19, les enseignements en ligne ont utilisé différentes pistes pour reproduire virtuellement les classes et assurer un enseignement à distance: les pistes de Zoom, Teams, Google Class et même parfois Whatsapp et Facebook sont encore les plus utilisées dans les séances d’enseignement/apprentissage en ligne. Même si ces pistes ne remplacent pas totalement et très efficacement les classes classiques, elles représentent quand même une bonne alternative dans les conditions critiques telles que celles de la Covid 19.
Ce phénomène, on le remarque aujourd’hui avec les jeunes sur les réseaux sociaux auxquels ils appartiennent, et dont la vie sociale y est devenue intimement liée. Personne ne pourrait contester l’implication des générations actuelles de l’ère numérique dans de nouveaux mondes et de nouveaux imaginaires par le biais de différents modes d’interactions sociales, créant et renforçant des liens sociaux entre eux mais créant aussi de nouveaux objets culturels. On reste encore sceptique à l’égard de la pertinence pédagogique de cet enseignement/apprentissage, surtout avec les effets néfastes des écrans sur les apprenants, mais on ne pourrait prédire si ces nouvelles pistes remplaceront partiellement ou même totalement, un jour, l’enseignement/apprentissage classique.
Conclusion
Les outils informatiques dits intelligents de la dernière génération renforcent la mobilité de l’apprenant qui ne devrait point être figé dans un seul contexte d’apprentissage, cette mobilité spatiale et géographique qui devient avec l’enseignement/apprentissage en ligne une mobilité virtuelle et imaginaire.
Le monde de l’enseignement/apprentissage ne cesse de s’élargir avec le temps: les MOOC, l’apprentissage en ligne et l’apprentissage hybride ne sont que des manifestations modernes de l’ambition illimitée qui cherche du nouveau avec tout incident, d’ordre local ou mondial, et qui vise l’innovation dans ce domaine infini. Encore dit-on «la nécessité est mère de l’invention». Il y a quatre ans, l’enseignement en ligne a remplacé complètement l’enseignement classique à cause de la pandémie mondiale de la Covid 19. Ignorant comment les circonstances évolueront dans les mois et années à venir, nous sommes certainement entrés dans une nouvelle ère d’enseignement/apprentissage, que nous le voulions ou pas. Il est pourtant clair que cela ne saurait être la dernière innovation pédagogique…
Références
Ouvrages
-1Alvarez G. et Perron D. Concepts linguistiques en didactique des langues. Québec: Presses de l’Université Laval, (1995).
-2Besse H. et Porquier R. Grammaires et didactique des langues étrangères. Paris: Crédif-Hatier, Collection LAL, (1984).
-3Bouacha A. (dir). La pédagogie du français langue étrangère. Paris: Hachette, Collection F, (1978).
-4Boyer H. et al. Nouvelle introduction à la didactique langue étrangère. Paris: Nathan, (1990).
-5Coste D. Vingt ans dans l’évolution de la didactique des langues (1968-1988). Paris: Hatier-Crédif, Coll. LAL. (1994).
-6Érasme. De Pueris instituendis. (Comment éduquer les enfants), 1519, tr. fr. 1537.
-7Felser A. L’influence de la langue latine savante sur la langue française au XVIe siècle, Munich, GRIN Verlag, (1998). https://www.grin.com/document/377998.
-8Galisson R. D’hier à aujourd’hui la didactique générale des langues étrangères: du structuralisme au fonctionnalisme. Paris: CLE International, (1980).
-9Germain C. Evolution de l’enseignement des langues: 5000 ans d’histoire. Paris: CLE International, Coll. Didactique des langues étrangères, (1993).
-10Guiraud P. L’Ancien français, Paris, PUF, Collection « Que sais-je ? », (1963).
-11Martinet J. De la théorie de la langue à l’enseignement de la langue. Paris: Presses universitaires de France, (1974).
-12Montaigne M. Essais, Paris, U.G>E>, éd. 1964 [1e éd. 1595], Tome 1.
-13Puren C. Histoire des méthodologies de l’enseignement des langues, Paris: Nathan -CLE International, (1988).
-14Rabelais F. Pantagruel, 1532, texte traduit en français contemporain dans l’édition de G. Demerson, Le Seuil, (1973).
-15Roulet E. Théories grammaticales, descriptions et enseignement des langues. Paris: Nathan, Bruxelles: Labor, (1972).
Articles
-16Beaudin J.-D. «La langue française au XVIe siècle: usage, enseignement et approches descriptives», sous la direction de Pierre Swiggers et Willy Van Hoecke, collection La Pensée linguistique, volume 2, Leuwen University Press, Peeters, Louvain-Paris, Louvain, 1989. In: L’Information Grammaticale, N. 63, (1994), 50-52.
-17Besnard C. «Stratégies d’apprentissage et enseignement des langues». Le Français dans le Monde. N. 294, (1998), 22-25.
-18Lopez J. S. «Conception de la langue et l’enseignement/apprentissage des langues au XVIe siècle». Le Langage et l’Homme, vol. XXXXIV, N. 1, (juin 2009), 109- 119.
-19Puren C. «L’enseignement scolaire des langues vivantes étrangères en France au XIXe siècle ou la naissance d’une didactique». In Langue française, N. 82, 8-19, (1989).
-20Siemens G. «Connectivism: A learning theory for the digital age». International journal of instructional technology and distance learning, 2(1), (2005), 3- 10.
[1]– أستاذ مساعد في الجامعة اللبنانية كلية الآداب والعلوم الإنسانيّة – قسم اللغة الفرنسيّة – الفرع الخامس.
-Professeur Assistant à l’Université Libanaise, Faculté des Arts et des Sciences Humaines – Département de Langue Française – section 5 – Email:fatima.ibrahim @live.fr – Telefon– 00961-76657624
[i] Surnommé le «Divin Parleur», Tyrtamos d’Érèse étudia sous la direction d’Aristote pendant une trentaine d’années.
[ii] Nous empruntons l’expression «culture de la langue» à l’article intitulé «Conception de la langue et l’enseignement/apprentissage des langues au XVIe siècle» publié par Javier Suso Lopez de l’Université de Grenade. Dans son article, Suso Lopez défend son recours au terme «culture» en expliquant que le concept de «culture» est considéré comme plus riche de celui d’«élaboration» de la langue parce qu’il implique une action extérieure sur la langue elle-même et une action intérieure du locuteur sur ses propres facultés dans l’usage de la langue.
[iii] Daniel Coste, Forum politique de Strasbourg, février 2007 au sujet du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL).
[iv] Le MOOC ou Massive Open Online Course représente un type de formation à distance où l’enseignement s’effectue en ligne. Il est capable d’accueillir un grand nombre de participants et dont l’accès est généralement gratuit.