Lumières et Révolution humaniste
dans la littérature française de 1680 à 1750
Dr Carole Medawar[1]
Résumé
La philosophie humaniste des Lumières se situe aux antipodes de la morale austère du Grand siècle. L’article suivant tend à cerner les enjeux d’un militantisme éclairé dont la germination se produit dès 1680. Une lecture historique de la polémique engagée par les penseurs français contre l’intolérance religieuse, la tyrannie étatique, le mépris des connaissances et la nature déchue de l’homme, témoigne ostensiblement d’une renonciation à la conception tragique de l’existence. En effet, les philosophes arborent le rationalisme critique et l’esprit scientifique dans la lignée des humanistes de la Renaissance. Plus encore, ces réformateurs illuminés professent des valeurs éthiques qui abjurent l’Infâme au profit d’une morale libertaire, utilitaire et hédoniste. Prenant ainsi le contre-pied du pessimisme des classiques, la philosophie politique des Lumières, ovation à l’homme social, doit être envisagée comme doctrine eudémonique.
Mots-clés
Lumières, Grand siècle, tragique, philosophe, raison, humanisme
Tout sert au luxe, aux plaisirs de ce monde:
Oh, le bon temps que le siècle de fer!
(Voltaire, 1736, 2)
Au XVIIe siècle, une anthropologie négative[2] émerge de l’angoisse d’être jeté dans un monde déconcertant, où la mort s’affiche comme horizon de tous les possibles. Ainsi, pour Jacques-Bénigne Bossuet, «la vie humaine est semblable à un chemin dont l’issue est un précipice affreux [vers lequel] il faut sans cesse avancer» (1851, 496)[3]. Inquiétude et désarroi existentiel tourmentent l’être, victime de sa nature déchue. La conception janséniste prône la vanité et le rigorisme, ne promettant la grâce qu’aux élus de Dieu. De ce fait, l’engourdissement de la raison au profit des illusions de la foi enlise l’individu dans un abîme obscur. «Quelle chimère est-ce donc que l’homme ? », écrit Pascal. « Imbécile ver de terre […] cloaque d’incertitude et d’erreur» (1954, 1206). Trois siècles plus tard, François Mauriac portraiture élogieusement l’auteur des Pensées: «le seul humaniste digne de ce beau nom, le seul qui ne renie rien de l’homme» (1931, 251). Ces propos auraient certes été récusés par l’optimisme rationaliste de la période des Lumières. En effet, contre le «misanthrope sublime»[4], le XVIIIe siècle «ose prendre le parti» (Voltaire, 1964, 160) de l’homme, en qui il a foi, pour démontrer qu’il lui est envisageable de se laver de la tare originelle.
À partir du dernier tiers du Grand siècle, les valeurs humaines se voient dès lors remises en question. Il s’agit de «la crise de la conscience européenne»[5] qui bouleverse le paysage littéraire, précurseur de L’Encyclopédie et de la Révolution française de 1789. En effet, les partisans de la modernité révoquent l’obscurantisme endémique et l’ordre aliénant sous la férule de Louis XIV. Parangon de la perfection, de l’érudition et de l’action, le philosophe des Lumières, avatar de L’Homme de Vitruve de Léonard de Vinci, se fait le porte-voix d’une anthropologie optimiste. La crise sous-tend donc un humanisme subversif, rationaliste, anticlérical, antimonarchique et sensualiste. Aussi s’agit-il de montrer comment les écrivains français renoncent à une conception tragique de l’existence durant la période postclassique qui s’étend de 1680 à 1750. Une lecture historico-politique de cet intervalle de l’entre-deux éclaire un changement de mentalités, baptisé par Paul Hazard d’esprit nouveau (1961, 79). Le déni de la fatalité s’opère tout d’abord par le truchement de l’esprit critique: la philosophie des Lumières se donne à lire comme une philosophie de l’entendement, qui dénigre la métaphysique dogmatique du classicisme. En outre, insufflée d’humanisme, elle consacre hédonisme et eudémonisme. Une nouvelle acception de l’«Honnête homme» apparaît: l’art de vivre et le bonheur prennent le contrepied du salut, passage d’une «conception verticale du monde à une perspective horizontale» (Aron, Saint-Jacques, Viala, 2002, 443). Ainsi, la Renaissance des Lumières porte l’estampille de la réhabilitation sociale de l’individu, principal bénéficiaire de l’enthousiasme et du plaisir de vivre.
- L’esprit critique
L’illumination de la pensée critique, arme de la littérature et de la philosophie, contre les préjugés et les sombres effets de l’injustice du Grand siècle, marque un tournant décisif dans l’histoire des idées postclassiques. Durant la «Frühaufklärung[6] française» (Krauss, 1971, 19), tout sentiment d’angoisse cherche à être effacé. Cette «disposition fondamentale qui […] place [l’homme] face au néant» (Heidegger, 1981, 293) naît sous Louis XIV de l’idée que l’univers relevant de l’intangible ne peut être sondé. L’être déchu doit donc s’en contenter, sans pouvoir y apporter de modifications sensibles. En refusant de reconsidérer la réalité, les écrivains s’engoncent dans le dogmatisme. Cependant, dès 1680, plusieurs penseurs cultivent l’esprit scientifique d’examen et exhortent à la nécessité du changement: le rationalisme contre tout ce qui découle de la tradition, de la hiérarchie et du principe d’autorité; la liberté de penser contre la rigidité classique. La sortie de l’obscurantisme s’effectue d’emblée grâce à une démarche intellectuelle, qui revendique une mutation sociale par la contestation de l’imposture.
- La formation de l’esprit critique
D’entrée de jeu, il s’agit de définir l’existence tragique: elle correspond à une fermeture de l’être dans son milieu et en lui-même. Ainsi, dans son Autoportrait, François de La Rochefoucauld se dépeint comme un homme qui n’a pas de relations sensibles au monde extérieur.[7] Or, révoquant cette conception négative de la vie, les philosophes louent l’ouverture à l’Autre. Le voyage et le dialogue avec autrui s’accompagnent concurremment d’une réflexion sur autrui. L’observation éveille l’esprit critique de l’écrivain, qui favorise la raison et la logique au détriment des croyances et des idées préconçues. Le voyageur découvre des usages, des cultures, des religions différentes, ce qui suscite en lui l’étonnement; s’ensuivent la réflexion comparative sur les phénomènes et les principes raisonnés. Les récits de voyage peuplant l’imaginaire de Persans (les Lettres persanes de Montesquieu), de Hurons ou d’Iroquois (Un baptême iroquois: Les Nouveaux voyages en Amérique septentrionale, 1683-1693, de La Hontan) apprennent à l’Européen que chaque peuple reconnaît des valeurs particulières, qui s’opposent le plus souvent aux siennes. Par conséquent, le philosophe comprend que la vérité n’est nullement une – universelle et absolue – mais bien relative. La stabilité classique, héritée du modèle attique, se trouve alors détrônée par le mouvement.[8]
Demeurer, éviter tout changement, qui risquerait de détruire un équilibre miraculeux: c’est le souhait de l’âge classique. […] Après la Renaissance et la Réforme, grandes aventures, est venue l’époque du recueillement. […] On a peur de l’espace qui contient les surprises; et on voudrait, s’il était possible, arrêter le temps. (Hazard, 1961, 15) Le schisme des idées éclate en 1687 à travers la «Querelle des Anciens et des Modernes», lorsque Charles Perrault soumet son long poème, Le Siècle de Louis le Grand, à l’Académie française: soutenu par Fontenelle, Saint-Évremond, Thomas Corneille, il proclame la dissolution du modèle antique. L’émancipation des arts et de la littérature prévaut sur le carcan obsolète et l’émulation triomphe de l’imitation dans un éloge du progrès. C’est bien cette apologie que l’on retrouve dans les Entretiens sur la pluralité des mondes (1686) de Fontenelle. Il y expose la thèse optimiste du philosophe des Lumières, face à la déclaration défaitiste de la marquise, symbole de l’enfermement dans la consternation héritée des moralistes du Grand siècle:
Ces gens de la Lune, on ne les connaîtra jamais, cela est désespérant [avoue-t-elle]. Si je vous répondais sérieusement, répliquai-je, qu’on ne sait ce qui arrivera, vous vous moqueriez de moi […]. J’ai une pensée très ridicule, qui a un air de vraisemblance qui me surprend; je ne sais où elle peut l’avoir pris, étant aussi impertinente qu’elle est. Je gage que je vais vous réduire à avouer, contre toute raison, qu’il pourra y avoir un jour du commerce entre la terre et la lune. (1820, 52)
Le passage met en exergue une idéologie pragmatique: l’abandon du tragique au profit de l’élan vital. L’homme formule sa pensée qui, loin d’être mélancolique, coïncide avec un désir éperdu d’explorer l’univers, terreau de richesses. L’emploi du futur proche à valeur de certitude («pourra») au détriment du conditionnel hypothétique lève le voile sur le portrait du philosophe-conquérant. Ce fervent adepte de la raison bâtit sa démonstration concessive sur une preuve historique (les Grandes Découvertes, notamment celle de l’Amérique par Christophe Colomb), consolidée par une question rhétorique qui écarte toute suspicion: «Il est vrai qu’il faudra traverser ce grand espace d’air et de ciel qui est entre la Terre et la Lune. Mais ces grandes mers paraissaient-elles aux Américains plus propres à être traversées?» (1820, 54). L’homme rationaliste ne perçoit qu’un frein au progrès dans le respect systématique et inconditionnel du passé et du canevas antique. Au contraire, l’esprit novateur est celui qui façonne l’avenir, féru d’émulation, si bien que le philosophe se veut sans conteste ouvert et réformiste. Pour aller plus loin, les esprits forts méprisés par La Bruyère, expérimentent le principe de relativité qui touche l’esthétique. De fait, en abordant le concept du to kalon[9] dans son Dictionnaire philosophique[10], Voltaire démontre que «le beau est très relatif, comme ce qui est décent au Japon est indécent à Rome, et ce qui est de mode à Paris ne l’est pas à Pékin» (1961, 133). Le philosophe moderne rompt du coup avec les classiques qui se réclament des «Anciens», à l’instar de La Bruyère, Racine, La Fontaine, Bossuet et Boileau. Dans ses Lettres philosophiques (1733), Voltaire affirme que ce n’est pas parce qu’une institution existe déjà depuis des siècles qu’elle est bonne. L’exemple anglais montre effectivement la nécessité de substituer la monarchie parlementaire à la monarchie absolue:
La nation anglaise est la seule de la terre qui soit parvenue à régler le pouvoir des rois en leur résistant, et qui, d’efforts en efforts, ait enfin établi ce gouvernement sage où le Prince, tout-puissant pour faire du bien, a les mains liées pour faire le mal, où les seigneurs sont grands sans insolence et sans vaisseaux, et où le peuple partage le gouvernement sans confusion. (1964, 55)
En lui opposant le modèle anglais réformé, hétérodoxe et sage, Voltaire vitupère le catholicisme dogmatique représenté par le Roi-Soleil, d’autant que la force et l’arbitraire de l’unité étatique et religieuse génèrent la tragédie[11]: ils signent l’aliénation de l’individu au monarque atteint d’hybris[12]. Aussi le philosophe se charge-t-il d’éclairer les hommes, en les incitant à bien scruter le monde et l’humaine condition. L’esprit d’examen se forme: il ne s’agit plus de se cantonner à l’idéal classique de l’honnête homme: ce dernier fait certes preuve de maîtrise de soi, mais il doit s’incliner devant l’autorité monarchique et la religion d’État. Alors que le cénacle de Louis XIV – Lully, Racine, Corneille, Molière, Le Vau, etc. – assume le panégyrique de la monarchie de droit divin, se conformant aux demandes du mécène, la pléiade des philosophes affranchis affiche un souci humaniste[13]. Le savant se complaît à détecter maintes vérités, suite à une rigoureuse observation des faits. Il redéfinit la raison: faculté critique qui doit tout remettre en cause. «À cette raison toujours insatisfaite, l’honnête homme ne convient plus. [Il] est déchu de son rang, il faut un autre modèle pour diriger la vie» (Hazard, 1961, 304-305). Bien plus, il s’agit pour le philosophe de déjouer les pseudo-vérités. Pour cela, comme l’affirme Buffon dans Histoire naturelle générale et particulière, avec la description du Cabinet du Roi, «on doit commencer par voir beaucoup, et revoir souvent [pour éviter] des préjugés qui s’effacent difficilement» (1749, 6). Dans le même ordre d’idées, l’anecdote de «la dent d’or» de Fontenelle tourne en dérision des savants qui raisonnent des causes d’un phénomène qu’ils auraient dû soumettre d’emblée à un examen rigoureux: «[…] il se trouva que c’était une feuille d’or appliquée à la dent avec beaucoup d’adresse […]» (1829, 273). L’auteur de l’Histoire des oracles (1687) déclare avec sarcasme qu’« il ne manquait autre chose à tant de beaux ouvrages, sinon qu’il fût vrai que la dent était d’or » (1829, 273). L’observation scientifique et l’esprit d’examen s’imposent de ce fait, afin de prévenir les préjugés et les erreurs. Le philosophe des Lumières se présente comme celui qui «consulte l’orfèvre» avant de «faire des livres» (1829, 274), ne se laissant jamais séduire par les oripeaux. «De cette connaissance que les principes ne naissent que des observations particulières, [il] en conçoit de l’estime pour les sciences des faits.» (Dumarsais, 1879, 42)
À l’esprit de système, à l’évidence du cogito, le philosophe substitue la connaissance empirique: le monde newtonien de l’infaillibilité expérimentale portant sur des objets réels, concrets, doit l’emporter sur les idéalités et les abstractions de l’évidence cartésienne. La lettre de Voltaire «Sur Descartes et Newton» corrobore cette exigence anticartésienne et rationaliste. L’«esprit de système» est qualifié de «rloman ingénieux» (1964, 94). Par conséquent, il participe de la fiction, donc du factice, «vraisemblabe [uniquement] pour les ignorants» (1964, 94). Si l’homme cartésien «est fort éloigné de l’homme moderne» (1964, 94), c’est parce qu’il «établi[t] pour règle générale que toutes les choses qu’[il] con[çoit] fort clairement et fort distinctement, sont toutes vraies» (Descartes, 1876, 29). Or, l’impression vécue de certitude ne suffit pas à caractériser le jugement vrai; car il peut arriver souvent que ce qui nous paraît très probable soit faux et que ce qui est vrai ne nous paraisse pas probable. Dans sa Préface aux Lettres philosophiques de Voltaire, René Pomeau explique que la science est «une entreprise collective de l’humanité qui transforme la vie humaine» (1964, 15). Il faut ajouter qu’elle libère cette dernière des illusions dans lesquelles elle était plongée[14]. Dans ses Pensées diverses écrites à un docteur de la Sorbonne à l’occasion de la comète de 1680, Pierre Bayle annonce l’esprit dix-huitiémiste, d’autant plus soucieux de clarté et de vérité[15] qu’il se donne pour objectif de libérer l’être de ses angoisses. Battant en brèche l’ingénuité des savants de l’époque, Bayle affirme ouvertement que «les présages des comètes ne sont appuyés d’aucune bonne raison» (1737, 10): ce n’est pas parce qu’un météore traverse le ciel, qu’il y aura nécessairement un malheur, voire «une infinité de désolations» (1737, 10). Si l’on constate à plusieurs reprises ce rapport de cause à effet, le phénomène ne doit être expliqué que comme une pure coïncidence pour un esprit raisonnable. D’où l’absurdité de la prémisse: «les comètes sont comme des Hérauts d’armes qui viennent déclarer la guerre au genre humain de la part de Dieu» (1737, 10). L’entendement éclairé vient à bout de l’ignorance, de la servitude aux superstitions. La formation de l’esprit critique prépare dès lors les voies visant la liberté humaine.
- Un esprit contestataire: la rébellion
«L’homme est né pour agir, et tu prétends penser!». Cette phrase du comte de Rochester, reprise par Voltaire (1964, 137), traduit l’esprit moderniste. Les philosophes des Lumières, adeptes du progrès, consacrent l’action comme moyen d’estomper l’ambiance sombre du Grand siècle. La révolte correspond à un agir efficace: elle libère l’homme du joug de la tradition par l’entremise de la littérature, arme redoutable qui fustige les dérèglements de l’époque. À cet effet, il faut citer la célèbre épigramme de Voltaire contre Fréron[16], l’un des détracteurs des Lumières: «L’autre jour, au fond d’un vallon, / Un serpent piqua Jean Fréron:/ Que pensez-vous qu’il arriva?…/ Ce fut le serpent qui creva.» L’ennemi des philosophes se voit discrédité ad hominem par la forme lapidaire du quatrain, miroir grossissant de son caractère vireux. «Le ridicule jeté à propos a une grande puissance», écrit d’ailleurs Montesquieu dans ses Cahiers (1817, 137), confirmant l’efficacité de la diatribe au service de la justice et de la tolérance. L’œuvre philosophique polémique décoche ses flèches aux abus d’un pouvoir qui fait fi de tout fondement rationnel. Sous la plume sévère de Bayle, la religion chrétienne, qui verse dans le fanatisme, se trouve violemment lapidée, moyennant l’énumération des cruautés striant l’histoire: […] sanguinaire, meurtrière, accoutumée au carnage depuis cinq ou six ans. Elle avait contracté une très longue habitude de se maintenir et de s’agrandir, en faisant passer au fil de l’épée tout ce qui lui résistait. Les bûchers, les bourreaux, le tribunal effroyable de l’Inquisition, les croisades, les bulles qui excitaient les sujets à se rebeller, les prédicateurs séditieux, les conspirations, les assassinats de princes étaient les moyens ordinaires qu’elle employait contre ceux qui ne se soumettaient pas à ses ordres. Se devait-elle promettre la bénédiction que le Ciel avait accordée à l’Église primitive, à l’Évangile de paix, de patience et de douceur? (1741, 423)
La question rhétorique dénonce finalement l’usurpation du message chrétien originel, puisque la religion ne doit pas se mêler des affaires d’État. La dissociation des pouvoirs religieux et étatique s’avère imminente: le philosophe préconise une laïcisation de la morale.
Les Illustres françaises présentent aussi une critique acerbe de la tyrannie, déplacée sur l’autorité parentale, comme le traduit la trame narrative de la troisième nouvelle de Robert Challe[17]: M. de Terny rencontre Clémence de Bernay dans un couvent. Il tombe amoureux d’elle. Néanmoins, comment parvenir à la sortir de ce lieu carcéral, alors que son père la destine à devenir religieuse? «Il faut qu’elle le soit par nécessité» (1991, 220). Le père, opposant[18] à la quête de M. de Terny forme le nœud du récit; il exerce une contrainte aveugle sur sa fille. La nouvelle fait donc le procès de la dictature exercée par M. de Bernay: «Nous dépendons tous d’un père qui ne suit que son caprice, sans s’embarrasser de l’inclination de ses enfants» (1991, 204). C’est en se révoltant que M. de Terny, à l’insu de son beau-père, se marie avec Clémence. On voit comment l’autorité parentale procède de manière oppressive, sans égard au bonheur de sa progéniture. Dans le même ordre d’idées, M. de Bernay marie Séraphine à son corps défendant. Clémence assure que «[s]a sœur ne voulait pas épouser d’Ornex, et [que] [s]on père la fit choisir tout d’un coup entre lui et le couvent pour le reste de ses jours» (1991, 204). L’autocratie patriarcale cause le malheur[19] de Clémence et Séraphine: celles-ci doivent impérativement entrer au couvent pour se faire religieuses, qu’elles aient ou non la vocation. Et si le couvent les accepte, ceci confirme bien une double imposture. De fait, se dégage en contrepoint de cette histoire une critique du pouvoir politique absolutiste[20] – la famille étant la figure de la microsociété, où le père, qui brime les aspirations de ses enfants, représenterait le roi. Il faut aussi remarquer le lien entre l’autorité et le couvent, entre le trône et l’autel. La double imposture condamne le roi et l’Église par ricochet. Première imposture: les hommes doivent obéir au monarque, doté d’un droit divin. Corollairement, le devoir du roi est de mettre l’appareil étatique au service de la religion: deuxième imposture. S’esquisse ainsi une critique acerbe du pouvoir politique et religieux usurpés de l’époque classique: «la véritable sainteté [ne] règne pas» (1991, 235) au couvent, constate Clémence. Challe attaque la vie monastique: «Je ne vois dans l’intérieur du couvent que de l’ambition, de l’avarice et de l’envie» (1991, 235). Le politique et le religieux usent tous deux de leur pouvoir pour opprimer l’être humain. Le père enferme Clémence au couvent, topos la forçant à se soumettre à son autorité: «n’ayant plus d’espérance de retourner au monde après [s]es vœux, [elle] [s’]en détacher[a] tout à fait» (1991, 235). Mais le narrateur crible son lecteur de quolibets pour le pousser à contester l’abject: «Quelle philosophie! N’est-il pas nécessaire pour être bonne religieuse d’être au contraire tout à fait dégagée du monde avant que d’y renoncer?» (1991, 174). C’est ainsi qu’agit le Catholicisme, religion d’État, en imposant à l’esprit ses dogmes et en l’obligeant à s’y soumettre sans examen, ni jugement sage[21]. De cette manière, le XVIIIe siècle correspond à une sortie du tragique, puisque la pensée critique tente de se libérer des puissances assujettissantes[22]. L’esprit des Lumières ne peut admettre l’aliénation. Moyennant son roman libertin[23], Challe montre que servir Dieu relève de la vocation, non de la force. L’incarcération de Clémence au couvent symbolise l’enfermement de l’être dans le dogmatisme du Christianisme. Cependant, M. de Terny ne peut s’empêcher d’agir face à une telle iniquité. Sa rébellion s’avère d’autant plus significative qu’elle reflète la pensée contestataire des Lumières: l’individu doit être libre de décider de ses croyances et de ses projets[24]. La raison et le «bon sens» étant «de son côté», l’homme «triomphe toujours des obstacles qu’on lui oppose» (1991, 243). Dans la cinquième nouvelle[25] des Illustres françaises, on décèle conjointement les leitmotivs critiques de l’autorité parentale et du pouvoir monarchique. La mère de Marie-Madeleine de l’Épine nous est dépeinte effectivement comme «fort intéressée» (1991, 294), à tel point que pour sauver son avoir, elle renie sa fille et la laisse mourir. «Quelle cruauté! Quelle barbarie ! Peut-on cruellement sacrifier son propre sang à la peur de perdre son bien!» (1991, 347). Une fois de plus, la révolte clôt la nouvelle[26]: M. Des Prez venge sa femme en punissant la mère. Il s’agit donc de ne plus accepter les injustices; l’homme passe de la passivité à l’action, ce qui corrobore derechef une sortie progressive du tragique de l’existence.[27] «Chaque siècle a son esprit qui le caractérise. L’esprit du nôtre semble être celui de la liberté», écrit Diderot à la princesse Daschkoff (1877, 28). Du point de vue religieux et métaphysique, liberté devient synonyme de tolérance. Dès lors, il s’agit pour l’esprit des Lumières d’écraser l’Infâme, selon la devise de Voltaire. Le passage du catholicisme, religion d’État exclusive – qui conduit à ostraciser les protestants et à éliminer ceux qui affichent leur incroyance – à l’ouverture sur une «religion naturelle» (déisme ou théisme), marque une sortie de la fatalité de l’ère classique. Les lettres «Sur les Quakers» de Voltaire font l’éloge d’une secte encore peu connue. Le philosophe y défend le droit au pluralisme religieux: «En Angleterre […], il y […] a trente [religions], et elles vivent en paix et heureuses» (1964, 47). Une des «lois très sages» que Voltaire découvre chez les Quakers «est de ne maltraiter personne au sujet de la religion» (1964, 38). Il plaide alors en faveur du respect de la liberté d’opinion. La religion des Quakers est épurée de tous rites (pas de baptême), libérée de toute hiérarchie (on ne vouvoie jamais autrui; tous les êtres sont égaux). D’où la nécessité d’abjurer l’univers théologico-politique contraignant du Grand siècle, afin de bénéficier de l’Habeas corpus. L’esprit critique des Lumières fait ainsi intervenir la logique et la raison capable de «débrouill[er] le chaos» et d’«expliqu[er], par une mécanique simple, l’ordre de l’architecture divine» (Montesquieu, 2016, 227). Ce travail, mené dans différents genres littéraires (littérature épistolaire, dictionnaires, contes, pamphlets), modifie les façons de penser et déstabilise les certitudes solidement ancrées dans les mentalités. «Sapere aude! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières», soutient Emmanuel Kant (2013, 31). Pour sortir de cet état de minorité aliénant dont parle le philosophe, il faut refuser d’obéir aux préceptes provenant des manipulateurs du politique: l’esprit sceptique s’impose à la suite de voyages, d’observations et d’expériences scientifiques au sein d’un monde en perpétuelle expansion. Aussi la pensée contestataire, visant un changement libérateur, aboutit-elle à une revalorisation de la nature humaine, qui se place sous l’égide de l’hédonisme.
- Le plaisir de vivre
La vision tragique du monde s’estompe à l’heure où la théologie doloriste du XVIIe siècle se voit évincée par la raison raisonnante. Le plaisir de vivre se transmet à la collectivité, ouvrant la voie à la modernité: Le siècle des Lumières renverse la flèche du temps. L’histoire de l’humanité n’est plus celle d’une chute, tempérée par une rédemption, dans l’attente d’un jugement dernier. C’est l’histoire d’une ascension continuelle qui manifeste la perfectibilité indéfinie de l’espèce humaine, ouvrant le champ à l’expérience. (Rougier, 1979, 94)
- Les lumières du bonheur
Le philosophe ne peut concevoir la vie sur terre comme étant une expiation du péché originel. «Pour se faire une vie heureuse, on peut, […], raisonner de sang-froid, […] et modérer une imagination qui exagère les maux» (Hazard, 1961, 277). Aux yeux de l’intelligentsia, le Christianisme, tel qu’il est prêché par les représentants du pouvoir, porte en lui des germes d’immoralisme, puisqu’il empêche l’être humain de s’épanouir dans le monde. «On peut être religieux sans être moral; on peut être moral sans être religieux. Un athée qui vit vertueusement n’est pas un monstre qui surpasse les forces de la nature», conclut Hazard à la lumière de la démonstration de Bayle (1961, 271). Bien plus, contre l’«angoisse de l’homme Pascal» (Pomeau, 1964, 14), la vingt-cinquième lettre de Voltaire conteste la transcendance de la révélation. Le philosophe écarte la condamnation originelle pour mettre toute sa confiance en l’humanité: «j’ose assurer que nous ne sommes ni si méchants ni si malheureux qu[e] [M. Pascal] le dit» (1964, 160). La morale du Christianisme qui «se fait un principe d’anéantir le bonheur et le repos jusqu’au fond du cœur de l’homme» (Fréret, 1792, 268) est remplacée impérativement par une morale naturelle salutaire et affranchissante. Dans ses Dialogues curieux entre l’auteur et un sauvage de bon sens qui a voyagé (1704), le baron de La Hontan dépeint un paradis où la connaissance infuse du Bien garantit à l’homme une innocence originelle: «Ah ! Vive les Hurons [qui] viv [ent] simplement sous les lois de l’instinct et de la conduite innocente que la Nature nous a imprimés dès le berceau» (2005, 47). Ils «passent la vie dans la douceur, dans la tranquillité et jouissent d’un bonheur inconnu aux Français» (2005, 47). Par la reprise anaphorique laudative du maître-mot vivre, c’est le mythe de l’âge d’or que le philosophe veut recouvrer. Cette époque est certes révolue. Néanmoins, elle pourrait être restituée par l’évocation d’un bonheur naturel et présent[28]. La rupture avec la conception tragique – héritière du baroque et du jansénisme – est alors décrétée sans ambages: Memento vivere. Le philosophe réconcilie le spirituel et le terrestre: il «ne se croit pas en exil dans ce monde» (Dumarsais, 1757, 510). Aussi cherche-t-il à jouir pleinement de sa vie d’ici-bas. S’il renonce à parier à l’instar de Pascal pour une félicité éternelle, c’est parce que sa raison ne perçoit aucune preuve tangible de l’immortalité de l’âme. Il opte donc pour un bonheur immédiat. Au pessimisme de La Rochefoucauld – son humeur noire et son impassibilité à l’égard du monde – se substituent l’émotion et la sensibilité, sources d’émerveillement pour Montesquieu. Aux antipodes du moraliste mélancolique, le philosophe écrit effectivement dans ses Pensées diverses: «Je m’éveille le matin avec une joie secrète. Je vois la lumière avec une espèce de ravissement. Tout le reste du jour, je suis content» (1979, 976). Par le biais d’un lexique spectaculaire, on assiste à une réappropriation du monde extérieur: le Soleil qui était le propre du Roi auréole désormais les hommes raisonnables. À l’innéisme des idées de Descartes fait place le sensualisme de Locke: l’être humain, en symbiose avec l’espace qui l’entoure, apprécie la vie et ses plaisirs. D’ailleurs, Montesquieu définit le bonheur par les sens qu’il s’agit d’expérimenter au sein même du monde:
Il ne faut point beaucoup de philosophie pour être heureux; il n’y a qu’à prendre des idées un peu saines. Une minute d’attention par jour suffit; et il ne faut point entrer pour cela dans un cabinet pour se recueillir: ces choses s’apprennent dans le tumulte du monde mieux que dans un cabinet. (1979, 1065).
Cette «pensée» est une réponse intransigeante aux Pensées de Pascal, qui assure que «tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas demeurer au repos dans une chambre» (1954, 1178). Or, pour le philosophe des Lumières, rien n’est plus plaisant que le dehors, lieu de l’épanouissement et de l’allégresse[29]. C’est au contraire le fait de demeurer dans son huis clos qui correspond à une véritable tragédie.
D’un autre côté, le rejet de l’espace carcéral suggère une critique des pièces classiques de Jean Racine: le personnage tourmenté est emprisonné dans un lieu claustrant où l’angoisse imprègne jusqu’à l’air respiré. Toute volonté de fuite s’avère velléitaire car aucune échappatoire n’est envisageable dans la configuration dramaturgique racinienne. Véritable paradoxe, le champ clos ne s’entrouvre que sur la mort, à l’instar de Trézène pour Hippolyte, du Sérail pour Bajazet ou encore de Rome pour Bérénice. Or, les Lumières récusent ce motif de l’espace mortifère. Dans Les Illustres françaises, Challe nous montre bien que la sortie de Clémence de Bernay du couvent, intérieur qui fait son malheur, est possible. De surcroît, l’espace du dehors assure sa félicité, puisqu’elle parvient à goûter au plaisir de la vie conjugale. Notons que cette rigidité du Grand siècle, qui s’enferme dans un schéma fixe (règles imposées aux gens de lettres) et implacable est en lui-même tragique. Il s’agit de refuser tout dirigisme et d’abandonner des préceptes contraignants. Dès lors, de l’espace ténébreux et désenchanté peuvent sourdre la liberté et les bienheureuses Lumières de l’espoir. Dans son analyse des Illustres Françaises, Jacques Wagner déclare que le romancier moderne qu’est Challe «lutte avec l’efficacité d’un virtuose contre cette mélancolie qui guette sans cesse la culture classique» (1995, 150). Certes, la présence de la mort est décelable dans la plupart des histoires. Toutefois, en variant ses clôtures («la version noire illustrée par le drame de Des Prez et de Mlle de L’Epine; la version rose, illustrée par le bonheur de M. de Terny et Clémence et enfin la version blanche illustrée par la réussite d’Angélique», Wagner, 2001, 3), Challe montre bien que le schéma narratif peut changer, qu’il existe plusieurs possibilités pour améliorer le monde, hormis le drame, tels le bonheur et la réussite. Si la «version noire» participe encore de la tragédie, il reste qu’il ne s’agit nullement d’une constante: l’enchantement existe chez Challe au même titre que le triomphe. Cette diversité ouvre sur un besoin pressant de s’affranchir d’une trame figée, en montrant que la vie sur terre n’est pas nécessairement une tourmente. Le Mè phunaï[30] emprunté à l’Antiquité ne semble plus valable dans l’entre-deux-siècles, tout comme la mort n’est plus le second des biens possible. Le moindre mal serait non de s’en retourner là d’où l’on vient, et le plus tôt possible, mais de jouir pleinement de la vie. Comme l’affirme Vauvenargues dans ses Maximes, «la pensée de la mort nous trompe; car elle nous fait oublier de vivre» (1747, 285).
D’un autre côté, la mélancolie se résorbe du fait même que le philosophe «ne croit point être en pays ennemi» (Dumarsais, 1757, 517). En d’autres termes les dimensions terrestre et divine sont réconciliables. «Cette prétendue duplicité de l’homme est une idée aussi absurde que métaphysique» (Voltaire, 1964, 164). Le dilemme entre l’immanent et le transcendant, le matériel et le spirituel, se dissipe dans l’ouverture au monde harmonieux, contrairement à la vision pessimiste de la dualité de l’homme telle que la décrit Racine dans sa «Plainte d’un Chrétien sur les contrariétés qu’il éprouve au-dedans de lui-même» (Cantiques spirituels):
Je trouve deux hommes en moi
L’un tout esprit et tout céleste
Veut qu’au ciel sans cesse attaché,
Et des biens éternels touché,
Je compte pour rien tout le reste
Et l’autre par son poids funeste
Me tient vers la terre penché. (1899, 241)
Ce qui est certainement inconciliable avec la part spirituelle pour Racine, ce sont les passions coupables dont il montrera les ravages funestes à travers ses tragédies. Mais le philosophe des Lumières transmute cette maladie de l’âme en levain de l’esprit. Vauvenargues assure effectivement que «les passions ont appris aux hommes la raison», que nous leur «devons peut-être […] les plus grands avantages de l’esprit» (1857, 389). Elles sont ainsi à l’origine des beaux-arts[31]. Pour les Anciens, action et passion sont deux catégories qui correspondent respectivement à la voix active et passive du verbe. Dans son Traité des passions, Descartes englobe tous les phénomènes passifs de l’âme, les modifications produites en elle de façon involontaire par l’agitation des esprits animaux (1865, 183). Or l’esprit moderne définit les passions par opposition aux Anciens: ce sont des forces qui dynamisent l’existence. Ainsi, le philosophe fait l’apologie de la passion qui pousse l’être à l’action: «Si la passion conseille parfois plus hardiment que la réflexion, c’est qu’elle donne plus de force pour exécuter» (Vauvenargues, 1857, 385-386). Et cette action de l’homme passionné et avide de ravissement ne prend de sens que par rapport à autrui.
- La sociabilité comme volupté
« La sociabilité est comme l’attraction des êtres sensibles. »
(Proudhon, 1849, 223)
Dans son apologie du progrès, l’élite éclairée diffuse l’idéal d’une réconciliation entre sociabilité et vertu. À Pascal qui loue la douceur de vivre tranquille dans une chambre, retiré de la société[32], Voltaire répond que «celui-là est actuellement heureux qui a du plaisir et ce plaisir ne peut venir que du dehors[33]» (1883, 178). La maxime de son IIe discours ou Epîtres sur le bonheur met en exergue la sociabilité comme volupté: «Fais ton bonheur enfin par le bonheur d’autrui» (1877, 392). Ce dernier me sauve d’un enfermement tragique. Il devient source de mon plaisir de vivre. Dans Les Illustres françaises, M. des Prez déclare à Mlle de L’Epine: «Je ne serai jamais heureux […] que vous ne soyez heureuse aussi» (1991, 314). Ainsi faut-il noter que l’amour n’est plus tenu pour une faiblesse[34]. Impliquant une ouverture à l’Autre, il s’agit d’un sentiment déculpabilisé, élevé au rang de vertu. Dans le cas de «M. des Prez et Mlle de L’Epine», l’amour va jusqu’au renoncement final, puisque celui-là
jur[e] de garder une fidélité éternelle à la mémoire de sa femme. Il l’a fait; car de quelque manière que son père s’y soit pris pendant sa vie, il n’a jamais pu l’obliger à se marier; et à présent qu’il est libre […] la manière dont il vit prouve assez qu’il a rompu tout commerce avec le sexe. (1991, 288)
Cette abnégation prouve que l’altruisme succède à l’égoïsme. Remarquons de plus que la mort de l’épouse de Des Prez ne le pousse pas à se retirer de la société, ni à se suicider, écartant tout horizon tragique.
L’amitié correspond aussi à un idéal d’amour serein qui abandonne le côté passionnel, au sens de furie[35]. Elle apparaît dans Les Illustres françaises comme «un sincère et véritable épanchement de cœur» (1991, 14). L’amitié n’est plus un commerce intéressé. Challe assure que «ce n’était point de ces caresses feintes et étudiées que la corruption du siècle a introduites» (1991, 14). Ces deux voluptés psychologiques que sont l’amour et l’amitié ainsi réhabilitées attestent l’entrée de l’homme dans la dimension sociale. N’est-il pas avant tout un animal politique, du grec polis, vivant en société ? Et cette sociabilité implique que les autres fassent parti de son plaisir. L’être social cherche l’allégresse en la procurant aux autres. Il se veut essentiellement utile. Il ne suffit donc plus, à l’orée du XVIIIe siècle, de plaire et de toucher. Encore faut-il «trouver du plaisir avec les autres, et pour en trouver, il en faut faire» (Dumarsais, 1757, 517). Car «penser à soi, c’est ne penser à rien», comme le confirme Voltaire dans ses Lettres philosophiques (1964, 163). Tout converge vers une idée de bien-être et d’harmonie collective. Voltaire montre dans sa lettre «Sur l’insertion de la petite vérole» que l’homme a les moyens de nous réconcilier avec notre corps malade. La médecine s’avère un moyen efficient de rendre service à l’humanité: «il restait donc, pour conserver la vie et la beauté de leurs enfants, de leur donner la petite vérole de bonne heure» (1964, 72). Il s’agit également d’une manière de lutter contre la mort. En effet, le philosophe éclairé prêche la nécessité de l’inoculation: «si on [l’]avait pratiqué[e] en France, on aurait sauvé la vie à des milliers d’hommes» (1964, 74). La science devient une «entreprise collective de l’humanité, qui transforme la vie humaine par la connaissance des lois naturelles» (Pomeau, 1964, 15). Dans le même ordre d’idées, le commerce s’affiche comme un moyen de «contribu[er] au bonheur du monde» (Voltaire, 1964, 67), lui assurant prospérité et progrès, liberté et richesse.
Par ailleurs, la sociabilité transparaît chez Challe à travers l’esthétique des Illustres françaises. De fait, on constate que «cette forme [de roman] manifeste l’expérience d’un désarroi et le rêve d’une solution»[36]. Il est important de noter que malgré les violences passionnelles rapportées par les diégèses, le récit-cadre tend à une pacification, ainsi qu’à une union des personnages. À l’aube des Lumières, cette construction romanesque en double strates métaphorise la sortie d’une société sclérosée (niveau des sept récits enchâssés où l’être lutte contre l’autorité) et l’entrée dans un monde neuf, renouvelé par l’alliance des personnages (niveau du récit-cadre). Cette harmonie recouvrée fait écho à celle que vivent les citoyens de «Philadelphie» dans les Lettres philosophiques de Voltaire (1964, 38). D’ailleurs, le toponyme signifie «ville aimante», au cœur de laquelle s’inscrit la fraternité.
Dans l’univers challien, l’implication du lecteur, invité à prendre part à l’activité romanesque accentue les affinités sociales.
Pareil à l’Enseigne de Gersaint de Jean-Antoine Watteau qui convie le spectateur, par une rue surajoutée, à pénétrer dans la boutique où l’on emballe ce qui est suranné – les portraits du siècle de Louis XIV – et à expérimenter la nouvelle esthétique des Lumières qui met au premier plan la sociabilité hédonique, Les Illustres françaises appelle le lecteur coopératif à se joindre aux personnages à table[37], pour écouter et partager leurs nouvelles. En proposant une nouvelle sensibilité esthétique active et altruiste, le romancier initie son interlocuteur au plaisir de lire, mais encore au plaisir d’assister à la création d’un roman qui ne répond plus à la rigidité du modèle classique. Sourd une symphonie de récits captivants. En ayant conscience de la satisfaction et de l’émerveillement que son destinataire peut éprouver, l’auteur en tire son propre plaisir. La sociabilité doit remplacer la charité. D’ailleurs, Challe critique l’aumône, qui rend les hommes, bénéficiaires du don de leur prochain, totalement passifs. En effet, «si la sotte dévotion des chrétiens n’entretenait point tant de bouches inutiles, on ne verrait point tant de fainéants et de vagabonds» (1991, 259). Le philosophe des Lumières prône le plaisir réciproque qui délivre tous les êtres humains de leur égoïsme et de leur inertie. La sociabilité s’élève de la sorte au rang de vertu qui concourt à l’eudémonisme, tel que le montre Montesquieu à travers la société utopique des Troglodytes[38]. En effet, de l’égalité et des bonnes mœurs naît l’harmonie. Le philosophe assure, à travers le regard du « vieillard vénérable », archétype du sage, que le peuple a tort de vouloir le nommer roi. Montesquieu explique que ce serait «languir dans une lâche volupté» (2016, 67). «Voulez-vous qu[‘un Troglodyte] fasse une action vertueuse parce que je la commande, lui qui la ferait tout de même sans moi et par le seul penchant de la nature?» (2016, 67-68). La question oratoire retentit comme le fondement de la législation des Lumières: il s’agit de mener à bien la gestion d’un contrat social averti: chaque homme doit se défaire de sa cupidité et de son ambition personnelle, pour s’intéresser au bonheur des autres, garant de son propre contentement. La morale naturelle pousse le philosophe à agir de manière à être utile au prochain et à lui-même. Don et contre-don favorisent alors le plaisir de vivre avec son alter ego: «il faut aimer, et très tendrement, les créatures» (Voltaire, 1964, 168).
En somme, les Lumières équivalent au Grand siècle de la Raison raisonnable. Elles redéfinissent positivement les passions, la nature et surtout l’être humain. Le désir de s’émanciper d’une tradition rétive et inique aiguise la perfectibilité: au crépuscule du XVIIe siècle, les penseurs osent le glissement de l’honnête homme à l’homme utile à la société civile. En contestant les bases politiques et idéologiques du vieux monde et en réinventant les valeurs d’une ère nouvelle, la philosophie des Lumières milite pour la liberté de conscience et d’opinion. Elle prépare et conduit à l’explosion révolutionnaire de 1789 et à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Par son espoir dans le progrès de la science, par ses idéaux d’égalité, de liberté et de fraternité, elle réussit à s’imposer comme universelle. Aussi le XVIIIe siècle métaphorise-t-il le désir humaniste inextinguible: nul ne peut enfermer l’homme dans l’exiguïté d’un cabinet, lui fixant des limites. Le philosophe, architecte du monde, modèle des observatoires pour échapper aux rets de la fatalité. Ses créations-fanaux éclairent et édifient les hommes à l’image de l’Encyclopédie, œuvre phare de la réforme.
Toutefois, la volonté d’évacuer le tragique perceptible dans les œuvres ne laisse pas toute la place à l’optimisme: la fin du siècle voit les idéaux des Lumières bafoués. La République sombre dans la terreur, et le désenchantement accable la génération romantique du XIXe siècle. La période radieuse semble reléguée au rang d’utopie. Un siècle plus tard, les atrocités des Guerres mondiales mettent fin à la Belle époque et à l’Esprit nouveau, en intronisant la dystopie. L’histoire de l’humanité s’écrit au fil de ces maux languissant d’illumination, dans cette déchirure de la pensée souveraine qui s’acharne, malgré tout, à raisonner des consciences affidées au Mal. La leçon de vanité ne peut que retentir dans le capharnaüm, pour rappeler à l’homme sa fêlure. Car «tant que les philosophes ne seront pas rois dans les cités, ou que ceux qu’on appelle aujourd’hui rois et souverains, ne seront pas vraiment et sérieusement philosophes […] il n’y aura de cesse, […], aux maux des cités, ni, […], à ceux du genre humain»[39].
[1] Docteur ès lettres françaises. Professeur Assistant à l’Université Libanaise (Beyrouth, Section 1).
[2] Gunther Anders qualifie ainsi la fin des années 1920, époque sombre où l’identité vacillante de l’homme ne peut être «fixée». Nous lui empruntons cette expression qui convient à la vision tragique de l’homme pour les moralistes du Grand siècle.
[3] Bossuet file cette vision sinistre de la condition humaine: «L’ombre de la mort se présente ; on commence à sentir l’approche du gouffre fatal. Mais il faut aller sur le bord. Encore un pas: déjà l’horreur trouble les sens, la tête tourne, les yeux s’égarent. Il faut marcher on voudrait retourner en arrière ; plus de moyens: tout est tombé, tout est évanoui, tout est échappé.» «Sermon pour le jour de Pâques» in Sermons choisis, Paris, Firmin-Didot, 1851, p.496.
[4] Blaise Pascal est ainsi traité par Voltaire dans Les Lettres philosophiques. Vingt-cinquième lettre « Sur les Pensées de M. Pascal », Paris, Flammarion, 1964, p. 160.
[5] Titre de l’essai de Paul Hazard. Paris, Librairie Arthème Fayard, coll. «Le Livre de Poche», 1961, 444 p.
[6] Le terme allemand renvoie à l’aube des Lumières.
[7] «[…] je suis mélancolique […]. Je suis fort resserré avec ceux que je ne connais pas, et je ne suis pas même extrêmement ouvert avec la plupart de ceux que je connais», écrit La Rochefoucauld. Maximes, suivies des Réflexions diverses, du Portrait de La Rochefoucauld par lui-même, Paris, Classiques Garnier, 1999, p.258.
[8] «Les grands classiques sont stables. Les errants, ce seront Voltaire, Montesquieu, Rousseau», explique Hazard. La Crise de la conscience européenne, op.cit., p.17.
[9] Le beau en grec.
[10] On se permet de citer cette œuvre bien qu’elle date de 1764, étant donné que l’article «Beau, Beauté» illustre cette « leçon » de relativité.
[11] La révocation de l’Édit de Nantes par Louis XIV, le 18 octobre 1685, avive l’intolérance.
[12] En 1694, Fénelon adresse une Lettre à Louis XIV, réquisitoire sévère contre la politique absolutiste: «Le peuple même (il faut tout dire) qui vous a tant aimé, qui a eu tant de confiance en vous, commence à perdre l’amitié, la confiance, et même le respect. Vos victoires et vos conquêtes ne le réjouissent plus; il est plein d’aigreur et de désespoir. La sédition s’allume peu à peu de toutes parts. Ils croient que vous n’avez aucune pitié de leurs maux, que vous n’aimez que votre autorité et votre gloire. Si le Roi, dit-on, avait un cœur de père pour son peuple, ne mettrait-il pas plutôt sa gloire à leur donner du pain, et à les faire respirer après tant de maux, qu’à garder quelques places de la frontière qui causent la guerre? Quelle réponse à cela, Sire?». Paris, Omnia, 2011, p. 10.
[13] «Le Philosophe […] réussit à renverser l’équilibre des choses: son adversaire fut baptisé, péjorativement, du nom de Dévot. C’est que les Philosophes avaient su, habilement, intégrer à la fois l’esprit critique du Libertin et l’essentiel des valeurs portées par l’Honnête Homme, et les dépasser tous deux en fonction des exigences de la vie moderne.» Michel Launay, Georges Mailhos, Introduction à la vie littéraire du XVIIIe siècle, Paris, Bordas-Mouton, 1969, p.27.
[14] Cette situation n’est pas sans rappeler l’allégorie de la caverne de Platon. Comment ne pas comparer l’homme tragique au prisonnier enchaîné au monde sensible ténébreux et angoissant ? La délivrance de l’homme, ainsi que sa sortie vers le dehors salubre et illuminé, correspondent symboliquement à l’accès au monde des Lumières sécularisées. La République, Livre VII, trad. Robert Baccou, Paris, Flammarion, coll. «Garnier-Flammarion», 1966, p.273-276.
[15] Dans Les Illustres françaises, «L’histoire de Monsieur Des Prez et de Mademoiselle de l’Épine» s’annonce d’emblée comme une contestation de tout ce qui relève du domaine des apparences. Celles-ci ne sont que de «fausses impressions». De surcroît, c’est le récit sincère des faits qui va lever le voile sur l’innocence de Des Prez. Ce dernier déclare: les apparences «ont trompé tout le monde […] je n’ai qu’à vous faire un récit fidèle de tout ce qui m’est arrivé avec Mademoiselle de L’Épine. Vous connaîtrez en même temps mon innocence, le malheur de cette pauvre femme et le mien». Le discours direct met l’accent sur la suprématie de la connaissance, moyennant le récit-témoignage. Paris, Droz, coll. «Textes littéraires Français», 1991, p.283-284.
[16] De son vrai prénom, Élie Fréron.
[17] «Histoire de Monsieur de Terny et de Mademoiselle de Bernay» in Les Illustres françaises, op.cit., p.199-246.
[18] Le père constitue également un opposant à l’union de Des Prez et de Marie-Madeleine de L’Epine. Des Prez affirme effectivement qu’ils «ne dev[aient] point espérer qu’un heureux mariage […] les uni[ssent] du vivant de [s]on père». Ibid., p.91.
[19] «Elle est malheureuse avec lui», dit Clémence à M. de Terny à propos de sa sœur. Idem., p.204.
[20] Notons chez Challe une critique directe du pouvoir royal dans «Histoire de Des Frans et de Sylvie». Le protagoniste déclare en effet qu’«[il] ne s’abaissera jamais à devenir le persécuteur du peuple et des paysans. Qu’[il] avai[t] trop de cœur et d’honneur pour prêter la main aux cruautés qu’on exerçait contre eux sous prétexte de lever les droits du Roi […]». Id., p.364.
[21] Si le mot religion signifie étymologiquement «relier», Challe montre comment le sens premier est détourné pour prendre l’acception péjorative d’enchaînement.
[22] «Despotisme et monarchie sont tout juste la même chose dans le cœur de tous les hommes et de tous les êtres sensibles», déclare Voltaire. Œuvres complètes, t.2, Paris, Desoer, 1817, p.1255.
[23] Pris au sens d’affranchi.
[24] Ceci préfigure la formule suivante du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau: «L’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté». Paris, Gallimard, 1964, p.365.
[25] «Histoire de Monsieur Des Prez et de Mademoiselle de L’Epine» in Les Illustres françaises, op.cit., p.281-362.
[26] Chez Challe, la révolte suscitée par la contrainte familiale est aussi décelée chez les femmes. Ainsi, Clémence de Bernay répondra à la fois de manière ironique et incisive à sa mère, qui veut l’obliger à se marier avec un homme qui lui est insignifiant, «que si le joli monsieur qu’elle voulait lui faire épouser lui plaisait tant, elle pouvait le garder; qu’on n’en soupçonnerait jamais de mal, étant bâti d’une manière à mettre la réputation d’une femme à couvert de la médisance». Ibid., p.206.
[27] Dans «Les Illustres Françaises: un roman “philosophique”?», Jacques Wagner constate que «le désarroi est devenu, chez Challe, une dimension de l’existence quotidienne de la jeunesse ; ses personnages éprouvent un sentiment d’injustice imméritée, devant une expérience qui les stupéfie, tant leur innocence originelle, leur virginité sentimentale est grande […]. Ce désarroi existentiel dérive d’une “crise de conscience” qui bouleverse de fond en comble le paysage culturel et anthropologique des classiques dont Challe subit la problématique mais dont il refuse l’héritage.» in Séminaire Robert Challe, Montpellier III, Université Paul Valéry, 1995, p.144-145.
[28] «Le bonheur, faut-il le confier à l’autre vie? […] Le bonheur, saisissons-le sur la terre. Vite, on est pressé, demain n’est pas tellement sûr, c’est aujourd’hui qui importe; imprudent celui qui spécule sur l’avenir ; assurons-nous d’une félicité tout humaine. Ainsi raisonnèrent les nouveaux moralistes, qui se mirent à chercher le bonheur dans le présent.» Paul Hazard, La Crise de la conscience européenne, op.cit., p.277.
[29] Il faut rappeler à cet effet la métaphore de l’homme-clavecin forgée par Diderot dans Le Rêve de d’Alembert: «Le système entier énergique, bien d’accord, bien ordonné? De là les bons penseurs, les philosophes, les sages.» Œuvres complètes, vol. 2, Paris, Garnier, 1875, p.135. Grâce à ses sens, l’homme raisonnable résonne dans la symphonie du monde.
[30] Du grec «plutôt ne pas naître»; «Mieux vaut cent fois n’être pas né», chante le chœur dans Œdipe à Colone de Sophocle in Théâtre complet, Paris, Garnier-Flammarion, 1964, p.294.
[31] «Sans [nos passions], plus de sublime […] ; les beaux-arts retournent en enfance […]», déclare Diderot dans ses Pensées philosophiques in Œuvres complètes, Paris, Editions Jules Assézat, p.197.
[32] Dans la lignée des penseurs baroques et jansénistes, Racine insiste sur «l’homme coupable» du péché originel et réitère la vanité de l’existence: «Malheureux l’homme qui fonde / Sur les hommes son appui. / Leur gloire fuit et s’efface/ En moins de temps que la trace […]». «Sur les vaines occupations des gens du siècle», Cantiques spirituels in Œuvres, tome III, Paris, La Compagnie des Libraires, 1899, p.242.
[33] Les salons comme institutions littéraires sont un témoignage de sociabilité au XVIIIe siècle. On compte les salons de Mme Lambert, de la duchesse du Maine et de Mme de Tencin, foyers de l’esprit philosophique.
[34]Boileau considère que «l’amour, souvent de remords combattu,/ Paraisse une faiblesse et non une vertu.» L’Art poétique in Œuvres poétiques, vol.1, Paris, Imprimerie générale, 1872, p.224.
[35] Nonobstant leur appartenance à la bourgeoisie, les femmes de l’univers challien ont une attitude noble. Elles sont réhabilitées puisque, par opposition aux héroïnes raciniennes, elles ne sont pas atteintes d’un excès de fureur amoureuse. Elles apparaissent «illustres» comme l’indique le titre du roman.
[36] Jacques Wagner, «Les Illustres françaises: roman philosophique?» in Séminaire Robert Challe, op.cit., p.174.
[37] «Dupuis entra un moment après. […] Des Ronais fit les honneurs de chez lui: ils se mirent à table, et s’entretinrent de leurs anciennes connaissances, et se rendirent compte en gros de tout ce qui leur était arrivé depuis leur séparation, attendant qu’un plus long loisir leur permît d’entrer dans un plus ample détail.» Les Illustres françaises, op.cit., p.14.
[38] «Ils travaillaient avec une sollicitude commune pour l’intérêt commun ; ils n’avaient de différends que ceux qu’une douce et tendre amitié faisait naître […]». Lettres persanes, Paris, Flammarion, 2016, p.62.
[39] Platon, La République, Livre V, op.cit., p.229.
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